Les biscuits Bisson

Un biscuit Bisson ? Une tranche d’histoire ! Voilà une marque que votre Grand-mère connaissait certainement et que vos petits enfants apprécieront probablement. Ce qui n’est pas si fréquent dans notre domaine, bon nombre d’entreprises s’étant lancées avec l’avènement (relatif !) du bio. Certains d’entre vous auront peut-être une bouffée de nostalgie à l’évocation du passé pas si lointain de la biscuiterie, alors qu’elle produisait encore sous le nom de l’Abbé Bisson. La marque s’est en effet petit à petit séparée de sa référence ecclésiastique, sans pour autant la renier. Apprécions donc le côté vif, définitif et moderne du nom Bisson, mais ne nous privons pas de cultiver la référence au passé, surtout lorsqu’elle en vaut le coup.

C’était vraiment quelqu’un, l’Abbé Bisson. Qui eut dans un premier temps pour ambition rien moins que de réformer l’éducation dans son diocèse, face au conservatisme pédagogique ambiant… Bonne chance ! Il se heurta bien entendu aux autorités et ne céda en rien sur son analyse, ce qui l’amena tout droit à se retirer et à réfléchir au moyen de subvenir à ses besoins… Erudit passionné d’hellénisme et autres latineries, il trouva chez Virgile et ses « Géorgistes » une description de la vie des abeilles qui le marqua et l’incita à se lancer dans l’apiculture. Il y réussit fort bien et se montra inventif, en contribuant notamment à mettre au point le système des ruches à cadres mobiles. Il rétablit auprès de ses concitoyens le vrai miel comme aliment de santé – sachant que celui-ci était déjà fort dégradé ou mélangé en cette fin de dix-neuvième siècle – puis se lança dans la confection des pains d’épices qui lui valurent une grande réputation sur ses terres d’origines, dans le Calvados, mais aussi ailleurs en France.
Le temps arriva où son diocèse le rappela… L’Abbé Michel Bisson redevint le chanoine qu’il était mais poursuivit parallèlement son travail sur les ruches pour le restant de sa vie. Il céda toutefois son entreprise à sa sœur et à son beau-frère.

Que reste-t-il de cet héritage, près d’un siècle plus tard ? Pas le lieu, puisque la biscuiterie quitta la Normandie pour le Sud-Ouest, avant de s’installer aujourd’hui dans le nord de l’Ardèche. Pas la totalité du nom, l’Abbé ne se rappelant à notre mémoire que par son patronyme. Ce qui demeure, c’est l’esprit de produits qui tournent autour des céréales et du miel – comme l’indique toujours le joli petit logo de la marque – et l’indéfectible volonté de faire le mieux possible : notre visite sur les lieux de production nous l’a confirmé.

Cette visite a commencé par un petit tour dans la chambre froide où sont stockés les ingrédients. La farine, tout d’abord, française et obtenue sur meule de pierre, s’il vous plait. Du miel bio, une poudre à lever sans phosphates, du sirop de malt d’orge et du sucre de canne roux, des fruits secs de Turquie… Puis la chaîne de production, où l’on s’affaire ce jour-là sur un biscuit « Authentique raisins noisettes ».

Le biscuit, c’est apparemment facile : on mélange et on cuit. Mélanger n’est ceci dit pas toujours évident : le simple fait d’intégrer les ingrédients dans un ordre différent peut modifier la friabilité de la pâte, tout comme les variations de températures obligent à adapter subtilement la quantité d’eau à chaque nouvelle production. La cuisson se fait quant à elle sur un long four en ligne, une belle pièce ! En douze minutes et trois étapes sans interruption – levée, cuisson, coloration – mais à températures différentes. L’occasion de vous rappeler l’étymologie du mot bis-cuit : cuit deux fois, une pratique qui nous ramène au Moyen-Age. Les marins de l’époque emportaient avec eux des préparations à base de farine, d’œuf et d’eau qu’ils passaient deux fois au four afin qu’ils se conservent mieux lors de leurs longues traversées.

La gamme « Authentique » et les sablés que vous vous procurez en vrac sont donc fabriqués sur place, à Peaugres. Ce sont d’indémodables biscuits à l’ancienne qui conservent un caractère nutritionnel étudié en refusant de céder aux sirènes du toujours plus gras, toujours plus sucré. Tiens bon, l’Abbé ! Mais il existe également chez Bisson une gamme à damner un curé avec des produits aux goûts du jour, comme les Cookies, Pil’ou choc, Spéculoos et autres Petits Beurres… Les fabrications de ces biscuits étant trop diverses et techniques, elles sont sous traitées. La maison veille toutefois fermement au grain et optimise les recettes pour se montrer digne de l’héritage : elle s’est notamment interdit l’usage d’arômes ajoutés dans ses compositions, ce qui a largement conforté le monastère Satoriz dans la confiance qu’il accorde à la marque.

Allez en paix ! Nous nous aventurerons quant à nous parcimonieusement sur les chemins du plaisir, en espérant que ce soit durablement. Plaise au ciel qu’il en soit ainsi pour Bisson. Rendez-vous dans un siècle !

JM