Les agrumes de Calabre

agrumesVoilà dix ans que s’est mise en place notre filière d’approvisionnement en agrumes avec l’Italie du sud. Grande qualité des fruits, fraîcheur et justes prix ont fait de ces échanges un point fort de l’hiver comme du printemps dans nos magasins; vos achats le confirment de saison en saison. Dix ans, l’occasion d’une petite visite sur place et de bien belles rencontres.

Angelo nous accueille. Distant au premier abord, d’une très grande gentillesse qui se révè?le au fil des heures, il nous surprend par un trait d’humour lâché tout de go et l’air de rien, mais qui nous donne d’emblée le ton. Alors qu’il nous fait part de son projet d’évolution de ses cultures d’oranges vers la biodynamie et que nous lui demandons les raisons d’une telle orientation, Angelo nous répond laconiquement « parce qu’on pourrait finir par s’ennuyer en bio… ». Accrochez-vous, on ne s’endort pas, ici ! Et c’est avant tout l’histoire d’un formidable dynamisme que nous vous compterons dans ces pages.

italieNous sommes à Sibari, en Calabre. Un lieu longtemps habité et façonné par les Grecs, qui laissèrent ça et là de belles réalisations architecturales, tout comme le souvenir d’une population qui s’adonnait volontiers au plaisir et à la volupté… D’où le mot « sybarite », pour désigner le jouisseur, souvent mou et passif. Le contraire de ce que nous voyons ici aujourd’hui : vitalité, et envie d’avancer ! En cinq ans, le paysage des producteurs d’agrumes agrumes2bio s’est structuré de mani?ère exemplaire, et ce n’est pas le fruit du hasard. Alors que l’esprit calabrais n’est pas spécialement porté sur la mise en commun, 113 producteurs bio ont uni leurs efforts sous l’impulsion d’Angelo pour fonder l’organisation démocratique qui les regroupe. Un bel exemple pour beaucoup de cultivateurs,partout dans le monde. A l’heure où le bio entre dans la tourmente du marché et se confronte à des logiques de spéculation qui n’ont rien à voir avec ses fondements, où l’exploitation du filon par de trop grandes entreprises se fait au détriment des vrais acteurs, cette mise en commun des forces de « la base » nous mit d’entrée le coeur en joie. Et joie il y eut aussi par la suite !

agrumes3Sur les vergers d’abord, dont les sols sont si verts qu’on croirait fouler du cresson ; joie à la dégustation des fruits sur l’arbre, toujours émouvante, surtout s’il s’agit de cette merveilleuse clémentine, celle qui vous a régalé tout l’hiver. Elle bénéficie d’une garantie Indication Géographique Protégée et se distingue par un goût unique, cadeau d’une terre suffisamment drainée et de la caresse salée des embruns ; la mer, toute proche, apporte sa contribution là où on ne l’attend pas. Joie et surprise lorsque nous vîmes arriver une cohorte de poules escortée par deux oies, au beau milieu d’une rangée d’arbres bien garnis. La terre n’en est que mieux nourrie et entretenue, une pratique qui rel?ève d’une compréhension optimale de la logique bio.

poulesAutre petit plaisir pour nous qui s’ajoutera à celui que donneront les excellentes oranges du mois de mars : Angelo nous fait visiter le verger où elles sont produites, un lieu qu’il a la gentillesse d’appeler « la parcelle Satoriz ». Voyez cette belle orange sur la photo : une « Lanelate », fine et juteuse, considérée comme une des meilleures variété dans la très réputée famille des Navel. Peut-être cette orange-là est-elle aujourd’hui sur votre table ? Si ce n’est elle, c’est sa voisine.

 

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Les oranges Lanelate du mois de mars : « la parcelle Satoriz »

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Piérino, producteur de pomelos, et Antonio… luthier.

Et puis il y eut les pomelos… Ceux que vous avez consommés une partie du mois de février, produits au creux de coteaux vallonnés, voire escarpés. Nous sommes chez Pierino, qui s’adonne à la culture des agrumes en complément d’une retraite bien méritée, selon la formule consacrée. Notre relation professionnelle tournera court : notre hôte sort en effet rapidement une bouteille et quelques verres, puis nous présente son ami Antonio. Antonio est luthier, il fabrique de très belles guitares. Des guitares ? Adieu citrons et pomelos, vive les chansons calabraises et napolitaines ! Ah, le commerce… L’âpreté de la négociation fut telle que nous fûmes illico convoqués le lendemain soir pour une rencontre encore plus rude : mandoline, violoncelle… Banquet, bonne humeur et musique jusqu’à plus d’heure… Est-ce le grand retour des sybarites ? Non, non… La simple expression de l’âme joyeuse de ceux qui travaillent, mais n’oublient pas de vivre. Merci à tous !

JM