Le "lait" de riz The Bridge

Commençons par adresser un vif remerciement à nos amies les vaches. Largement malmenées par les vilains cow-boys que sont les hommes, elles se voient aujourd’hui souvent discréditées pour leur lait, alors qu’elles l’ont pratiquement inventé. Rendons à Marguerite ce qui appartient à Marguerite, et convenons ensemble que, du lait de soja au lait de riz, c’est bien de la blancheur, de la douceur, de l’universalité du lait de vache que l’on essaie de s’approcher.

Et ce n’est pas toujours facile ! Mais on y arrive. Nos clients, qui piochent plus de lait végétal aujourd’hui dans nos rayons que nous n’en avons jamais vendu d’animal, ne nous contrediront pas. On y arrive, grâce au temps. Car si Dieu a probablement créé la vache le neuvième ou le dixième jour, à la louche, et qu’il faut bien une douzaine d’heures pour que la vache puisse offrir du lait à son veau (ou à la trayeuse), il a bien fallu une trentaine d’années à l’homme pour qu’il arrive à imiter la vache dans ce qu’elle fait de mieux.

Cette imitation a commencé sur une voie délicate avec le fameux « lait » de soja. Protéiné, pas trop cher, facile à utiliser en cuisine, ce lait de soja rend bien service à de nombreuses personnes, mais ne séduit pas tout le monde dégusté tel quel, au petit-déjeuner notamment. Les plus gourmands, avertis ou dégourdis ont donc longtemps alterné son usage avec celui du délicieux lait d’amande, que l’on préparait avec une cuillère de purée de ce même oléagineux dilué dans de l’eau, avant qu’il soit commercialisé dans une version toute prête et sucrée. Commercialisation qui fut suivie par celle du lait de noisette, puis du lait d’avoine, popularisé par les Scandinaves, et enfin des laits de kamut, d’épeautre ou de quinoa, plus ou moins dictés par la mode, en attendant le lait de tartiflette ou de ce que l’époque inventera de plus génial encore, pourquoi pas.

Mais la nouvelle petite star du lait végétal s’affirme chaque année comme une valeur sûre et de plus en plus universelle : c’est le lait de riz. Sa carrière a pourtant démarré tranquillement.

Tout a commencé au début des années 90, lorsqu’une grande marque historique du bio l’a proposé à ses clients. Accueil mollasson, et pour cause… Ce premier lait de riz était plutôt cher et pas franchement terrible. On apprendra plus tard que si la marque qui le proposait était européenne, le produit, lui, était américain. Ce qui n’a a priori rien d’infamant, puisque c’est bien Outre-Atlantique qu’il a été inventé. Mais ce lait de riz traversait l’océan sous forme de concentré avant d’être rallongé à l’eau en Europe. Pas fameux tout ça… Pas indigne non plus, les débuts sont toujours difficiles.

Du riz, il y en a certes chez l’oncle américain. En Asie aussi, en Camargue, un peu. Les superchampions en la matière ne sont toutefois pas bien loin de chez nous. Nos amis Italiens ont vite compris que le lait de riz pouvait être leur histoire, et l’histoire leur a donné raison. Quatre entreprises en fabriquent aujourd’hui.

thebridge

On ne sait comment ont procédé les trois autres, mais pour la marque The Bridge, à qui nous rendons visite aujourd’hui, rien n’a été facile. Car la recette, personne ne leur a donnée… Le créateur de l’entreprise, Ernesto, travaillait à l’époque dans la prévention des accidents du travail. Il fut auparavant paysan et pionnier du bio, d’obédience macrobiotique. Le riz, il aime et il connaît, même si ses terres, en région montagneuse dans les petites Dolomites ne lui permettaient pas d’en cultiver. Ce lait de riz, il l’a vu arriver… Et il ne comprenait pas ni son prix, ni sa piètre qualité… D’où l’idée de s’y mettre. Il fallait un sacré culot pour se lancer dans une production encore si marginale, et Ernesto en a eu. Pour trois ans de tâtonnements, seul, afin de mettre au point sa recette, aboutie en 1994. La difficulté n’est en effet pas tant de faire du lait de riz que de faire en sorte qu’il soit bon. Et comment fait-on pour qu’il le soit ?

On ne lâche pas tous ses secrets au premier venu, fut-il bon client… Mais voilà ce que nous avons appris, au mot à mot, au goutte à goutte.

– Le lait de riz, c’est avant tout 80% d’eau. Il importe donc qu’elle soit irréprochable. The Bridge utilise une eau de source de montagne, par ailleurs commercialisée en bouteille. Un gage de qualité qui est la première force de la maison, et un avantage que n’auront jamais ses concurrents qui puisent dans les nappes phréatiques.

– Le riz est d’une variété bio commune, blanc et en provenance du Piémont. Il constitue 17% du produit fini.

– Les 3% restants sont constitués d’huiles de tournesol et de carthame, de la marque Crudigno, et d’un peu de sel marin.

Particularité : le riz est transformé en semoule par un vrai moulin à eau ! Il est situé juste au-dessus de la fabrique, et fonctionne grâce à l’énergie d’une rivière parallèle à la source… Qui dit mieux ? La semoule est intégrée à l’eau à température ambiante puis l’ensemble est brassé à vive allure, et c’est là que réside le secret. Pour combien de temps, à combien de tours minute, avec quelle largeur de pales ? C’est un peu confidentiel, mais le principe est intéressant : la structure moléculaire de l’amidon du riz ne se transforme que grâce à une action bio-physique. C’est cette transformation qui donne au lait de riz son goût naturellement sucré, sans qu’aucun élément sucrant extérieur n’y contribue. L’ensemble est alors pasteurisé à moins de 80 degrés, puis filtré.

Simple dans le principe, la fabrication demande pourtant une surveillance de chaque instant et une adaptation à chaque lot de riz. Contraintes qui sont encore plus fortes avec le lait d’avoine, pour lequel The Bridge se hisse à un niveau qualitatif sans équivalent. Ernesto confie s’être levé un nombre incalculable de fois la nuit pour surveiller l’un et l’autre. Ça tombe bien, la fabrique, avec ses quelques cuves, est encore installée en annexe de sa maison, à la place du garage ! Car c’est tout petit chez The Bridge, pour quelque temps encore. Le déménagement dans des locaux plus adaptés à leur statut d’entreprise qui pousse est prévu pour cette année, à deux cents mètres de là. Ernesto, si tu continues à te lever, faudra quitter les pantoufles… À moins que tes deux fils, très impliqués dans l’entreprise, gouttent à leur tour et à ta place aux joies de la vie nocturne.

« The Bridge », c’est donc « le pont » (trop fort, Sat’Info !). Un nom qui a été choisi pour symboliser le passage que peuvent constituer les produits fabriqués ici vers un meilleur mode d’alimentation. Le lait de riz peut en effet grandement y contribuer. Non pas que nous ayons des doutes quant à l’intérêt de produits laitiers comme le fromage, d’autant plus pauvres en lactose qu’ils sont affinés, d’autant plus sains qu’ils sont de qualité. Mais chacun sait que le lait non transformé ne devrait pas être consommé par l’adulte, et que son usage devrait être plus réfléchi chez l’enfant.

Doit-on en conclure que le lait de riz remplace le lait de vache au niveau nutritionnel ? Pas du tout. Mais, si vous le permettez, la question ne se pose pas ainsi. Pourquoi devrait-on remplacer un produit qui n’est pas indispensable ? Pour ses protéines ? On en trouve partout dans nos aliments. Pour son calcium ? Un argument qui constitue une véritable escroquerie, ce qui a largement été démontré*. Non, ce qui est intéressant dans le lait de vache, c’est son usage. Et l’alternative « lait de riz » se montre vraiment à la hauteur. Avec les céréales du petit-déjeuner… Pour les crêpes, les flans, les milk shakes, les sauces, les purées, la polenta… Frais, doux, digeste, facile à cuisiner. Et puisque son destin est d’être comparé au lait de vache, insistons sur le fait qu’il ne contient pas de cholestérol ou autre matière grasse discutable, pas de lactose non plus, ni de protéines dégradées par un traitement UHT discuté…

*Il ne s’agit pas d’aller plus en détail dans un sujet largement traité par ailleurs. Nous encourageons ceux qui veulent approfondir à se référer à l’excellent livre de Nicolas Le Berre : « Soyons moins lait », aux éditions Terre Vivante.

Pour un usage gourmand personnalisé, le lait de riz The Bridge se décline à la vanille de Madagascar… Ou à l’orge grillé, type café au lait, en plus que digeste. Autre option, à la purée d’amande sicilienne, très plaisante, et… plus riche en calcium. Ce fameux calcium… Histoire de rassurer les mères de famille inquiètes, un lait de riz enrichi en lithothame sera proposé dès avril 2008.

Voilà. Satoriz aime le lait de riz. Vous aussi, manifestement. The Bridge nous en prépare un qui nous comble. Et Margueritte ne voit certainement aucun mal à son succès, bien au contraire.

JM