L’aromathérapie – Le guide Terre Vivante des huiles essentielles

 

Les éditions Terre Vivante viennent de publier une sorte de Bible : un guide des huiles essentielles rédigé par deux docteurs en pharmacie et enseignants, à destination du grand public comme des professionnels. Et c’est peu dire qu’on se l’arrache… Mieux qu’à la mode, les huiles essentielles (HE) sont de plus en plus plébiscitées depuis une trentaine d’années, en parallèle de la publication d’études internationales validant leurs effets et de leur utilisation progressive au sein des services hospitaliers. La passion de ceux qui pratiquent l’aromathérapie à la maison et en parlent autour d’eux contribue à faire le reste. Comment appréhender ce mode de soin pas comme les autres ? Nous avons posé la question au Dr Françoise Couic Marinier, auteure principale du livre et qui chaque année forme à l’aromathérapie plusieurs centaines de professionnels de santé et hospitaliers.

 

 

Entretien : Dr Françoise Couic Marinier

 

Les grands principes

Comment définir l’aromathérapie ?

Le mot en tant que tel crée quelque chose d’étrange et amusant dans l’inconscient des gens. « Aroma » évoque des odeurs agréables, une forme de bien-être. « Thérapie », en revanche, fait plutôt penser aux blouses blanches et aux maladies. Le terme désigne le fait de se soigner avec les HE par voie interne ou externe. Cela inclue le soin, le bien-être, la prévention des maladies, la stimulation des défenses immunitaires, la cicatrisation de la peau… En fait, les HE soignent quasiment tout. Elles contiennent à très forte dose des molécules identiques à celles utilisées dans les traitements allopathiques. On se moque alors de leur senteur : on les emploie, ça marche, et ce sans détruire notre organisme !

Quelles sont les différentes voies d’administration des HE ?

La voie respiratoire, la voie cutanée et la voie orale. En pharmacie, on ajoutera les suppositoires et les ovules. Par voie orale, on distingue ce qui s’avale et ce qui fond sous la langue, comme les granules sublinguaux, dont l’effet est très rapide. La voie aérienne passe par la diffusion, la pulvérisation ou l’inhalation (humide quand on met sa tête au-dessus d’un bol d’eau très chaude, ou sèche avec un stick inhaleur).

La dimension olfactive des HE intrigue particulièrement. Comment explique-t-on qu’une senteur puisse soigner ?

De chaque côté du nez, on a une muqueuse olfactive qui fait 5 cm² au total. Elle envoie des signaux très importants jusqu’au système limbique, ère des émotions totalement dénuée de raison. Les odeurs déclenchent des émotions : on peut se faire aimer de quelqu’un en utilisant les bonnes senteurs ! En 2004, un prix Nobel de médecine a démontré qu’on n’oublie jamais une odeur une fois qu’on l’a sentie, et qu’en voyant simplement l’image d’une fleur on se rappelle son odeur. La mémoire olfactive est encore plus puissante que la partie pharmacologique. Par exemple, on sait que certaines HE, comme la lavande, induisent pharmacologiquement le sommeil. Mais si la personne n’aime pas la senteur de lavande, elle ne dormira pas ! Prenez un instituteur de maternelle pour qui la lavande est associée à l’odeur du soin anti-poux de toute sa classe… s’il en respire pendant les vacances, il va rêver de ses élèves la nuit. J’ai connu ainsi une patiente qui venait de Madagascar et n’aimait pas l’odeur de lavande. En revanche, l’HE de cannelle, qui n’a pourtant pas d’indications favorisant le sommeil, l’apaisait et l’aidait à s’endormir tout simplement parce qu’elle lui rappelait son enfance. Au CHU de Strasbourg, le chercheur Luc Marlier a montré que le cerveau olfactif était fini à 3 mois de grossesse. Il intègre déjà les odeurs de la mère dans sa banque de données olfactives. Ressortir ces odeurs à 40 ans sera extrêmement puissant. L’expérience que nous avons de cela prouve que nous choisissons toujours une senteur qui va nous faire du bien.

Les HE sont utilisées depuis la nuit des temps. Pourquoi cet actuel regain d’intérêt en Occident ?

Elles sont arrivées en Occident vers l’An Mille, mais les Egyptiens les utilisaient déjà pour conserver leurs momies. Les pharmaciens du Moyen-Age y avaient couramment recours. Ce savoir s’est perdu avec l’arrivée des molécules chimiques et le lobbying de l’industrie pharmaceutique. A l’heure actuelle, les médecins français ne reçoivent aucun enseignement en aromathérapie, sauf s’ils en font une démarche personnelle. Le Dr Valnet, médecin militaire en Indochine, a soigné des soldats atteints de gangrènes avec les HE. Les recherches sur les HE étaient peu courantes avant de découvrir les limites de l’allopathie. Depuis vingt ans, on a de réelles études démontrant l’efficacité de l’aromathérapie et on l’utilise de plus en plus dans les hôpitaux, notamment pour désodoriser, relaxer et cicatriser. On espère que cela ira jusqu’à des protocoles remboursés par la Sécu, car les HE sont beaucoup moins chères comparées à l’allopathie dans beaucoup de pathologies !

Eucalyptus

Des guides d’utilisation des huiles essentielles existaient déjà, pourquoi un livre de plus ?

Nous avons écrit le livre qui nous manquait en tant que pharmaciens et aromathérapeutes. Il est abordable pour le grand public, mais les professionnels de santé vont également pouvoir y trouver les informations qui leur faisaient défaut, comme les interactions médicamenteuses (la menthe poivrée et certains traitements anticholestérol ne font pas bon ménage, par exemple…). Nous avons également voulu insister sur la qualité des HE et donner aux consommateurs les clés pour repérer les bonnes. En travaillant avec Terre Vivante, nous avons pu expliquer pourquoi certaines HE par ailleurs largement conseillées dans d’autres livres sont à éviter, car leur production a pour conséquence un véritable désastre écologique. Ainsi l’HE de bois de rose, cause de déforestation en forêt amazonienne… Notre livre est complémentaire d’autres ouvrages car construit différemment. Il possède notamment une entrée par HE et répond à la question : « j’ai cette huile chez moi, que puis-je faire avec ? ».

 

L’efficacité de l’aromathérapie

Il vous tient particulièrement à cœur de souligner l’efficacité de l’aromathérapie, notamment au regard de la résistance de plus en plus grande de nos organismes aux antibiotiques.

On sait depuis très longtemps que les HE sont antibiotiques et antiseptiques. Traditionnellement, les aborigènes utilisaient déjà l’HE d’arbre à thé, dont on sait aujourd’hui qu’elle peut guérir un abcès, un panaris ou de l’acné purulent de manière plus efficace que l’allopathie. On entend souvent des personnes clamer : « moi, les HE, j’y crois pas », comme s’il s’agissait d’une religion. Or il existe des milliers d’études dans le monde qui prouvent que l’aromathérapie tue les bactéries là où les antibiotiques échouent parfois ! Pour certains d’entre eux, une résistance se forme dès la première utilisation, alors que les HE n’en rencontrent aucune pour l’instant. Le problème, c’est qu’il n’y a presque plus de recherches sur les antibiotiques. En aromathérapie, des études montrent précisément comment les HE tuent les bactéries. Elles peuvent soit retarder l’usage des antibiotiques, soit renforcer leur action. Récemment, un chercheur marocain a prouvé qu’en ajoutant de l’HE d’eucalyptus dans un antibiotique, l’efficacité de ce dernier était multipliée par 20. Ce que je trouve très important, c’est que moins on consomme d’antibiotiques, moins on a de risque d’être résistant, donc plus on retarde leur prise, mieux c’est. Il faut savoir que les médecins français sont formés à une médecine d’urgence à l’hôpital pendant leurs études et à traiter des cas très lourds et qu’ils ont tendance à traiter de la même manière le patient lambda qui se présente ensuite dans leur cabinet libéral. Avant le recours à l’allopathie, on devrait pouvoir miser sur la prévention et donner des traitements moins forts, mieux acceptables par l’organisme. La France est très en retard dans la recherche en la matière, mais elle est en train de se rattraper. Le Diplôme Universitaire que j’ai co-fondé à Strasbourg avec le Professeur Annelise Lobstein accueille aujourd’hui des médecins du monde entier (Polynésie, Réunion, Martinique et métropole).

Les HE ont même des propriétés antivirales…

Des études chinoises et japonaises ont montré que l’HE de ravintsara était sans doute l’antivirus le plus puissant au monde, inhibant à la fois la réplication virale et la sortie du virus. C’est l’HE de l’immunité par excellence. Si vous avez autour de vous des personnes grippées, vous pouvez en diffuser, en respirer ou en déposer 2 gouttes au creux des poignets pour vous protéger du virus. C’est ultra efficace.

Ravintsara

Elles sont aussi antifongiques, répulsives, anti-inflammatoires…

On sait aujourd’hui (grâce à des études japonaises) que l’allopathie est le traitement antifongique le moins efficace, que les HE (arbre à thé, palmarosa) la surpassent et que l’idéal est d’associer les deux. Les HE sont très efficaces pour repousser les moustiques, les tiques et autres parasites. En Afrique, on est en train de développer un savon contre le paludisme contenant des HE qui donneront à la peau l’odeur répulsive. Elles ont également des vertus inflammatoires en utilisation cutanée : la girofle, la gaulthérie (dérivé de l’aspirine), ont des effets similaires à ceux des médicaments. Elles peuvent en outre accompagner les chimiothérapies. En utilisant des HE anti-cancéreuses, on arrive à décupler la médiane de survie d’un cancer : de 6 mois, on passe à 5 ans, avec moins de nausées, un meilleur sommeil… Et puis on constate des résultats sur des maladies qui font beaucoup parler d’elles : la dépression, Alzheimer… Ainsi, on sait que l’HE citron permet de lutter contre la neurodégénérescence cérébrale.

Les HE sont également les alliées des petits maux du quotidien, notamment le stress. Efficaces ou placebo ?

Voici un simple exemple : en Allemagne, on a sorti le Lasea, un médicament contenant 2 gouttes de lavande officinale. Il a été démontré que ce dernier est aussi efficace que les anxiolytiques sur le stress et le sommeil, et ce sans aucun effet secondaire. Autrement dit, l’HE de lavande est aussi efficace que le Diazépam (Valium©) ! Mais il n’est pas encore commercialisé en France, deuxième pays d’Europe le plus consommateur d’anxiolytiques.

Que dire de leur usage sous forme de cosmétiques « faits maison » ?

Là encore, elles sont très efficaces, mais il faut vraiment faire attention à ce que l’on fabrique. Ne pas se badigeonner avec une crème mal conservée et pleine de moisissures, ni s’asperger tout le visage d’arbre à thé pour soigner un seul bouton, sous peine de se brûler la peau ! On peut se faire beaucoup de mal en voulant en faire trop. Ainsi, l’HE lavande papillon a un effet similaire à celui du botox, qui certes réduit les rides, mais peut aller jusqu’à bloquer les nerfs si l’on en met trop. A la maison, il convient de bien suivre les recettes et d’être très rigoureux sur la conservation. Un pot hermétique à l’abri de la lumière, bien stérilisé, voire conservé au réfrigérateur.

Votre livre aborde également leur usage en cuisine et dans la maison, pour le ménage ou encore les soins des animaux.

Côté cuisine, je propose des choses extrêmement simples. J’explique avec quoi et comment mélanger les HE pour respecter un juste dosage et notamment en préparant des huiles végétales aromatisées. Un poulet à l’HE de citronnelle, c’est vraiment somptueux, à conditionner de ne pas se tromper ! Toutes les erreurs que l’on a pu faire à la maison, nous les éviterons aux lecteurs (rires).

 

En pratique

On apprend en lisant votre livre que certaines HE sont en vente libre, tandis que d’autres ne sont délivrées en pharmacie que sur ordonnance. Pourquoi ?

La plupart sont en vente libre, certaines ne sont disponibles qu’en pharmacie, et d’autres sur ordonnance uniquement, car elles sont très dangereuses, comme l’absinthe blanche, voire abortives pour certaines. En France, on a aussi une législation très rigolote datant de 1959 et qui interdit la vente libre de l’HE d’anis vert, utilisée pour la fabrication de l’absinthe… sauf sur ordonnance !

Comment sait-on si l’on achète une bonne HE ?

Il faut aller dans les bons endroits. Un bon magasin bio par exemple ou une pharmacie, où l’on sait que la personne qui a choisi la ou les marques proposées l’a fait en toute connaissance de cause ! Il faut tout d’abord qu’apparaisse sur l’emballage le nom latin complet, élément de nomenclature international. Cela permet de ne pas se tromper, car il existe plusieurs sortes de menthe, d’eucalyptus, de cannelle… Il faut ensuite que l’organe producteur soit précisé : zeste, feuilles, fleur, rhizome, écorce etc… De certains arbres, on peut ainsi extraire trois HE différentes. Ensuite, il faut que les molécules importantes, appelées chémotypes, soient citées. Ainsi, l’eucalyptus citronné n’aura aucun effet sur le nez bouché : il faut utiliser de l’eucalyptus radié. Enfin, le choix d’une HE bio est crucial aujourd’hui, car en fin de distillation les huiles deviennent de véritables concentrés de pesticides si elles sont issues de végétaux traités. Le plus grave, ce sont les HE d’agrumes dont l’écorce peut contenir jusqu’à 23 pesticides. On ne peut pas se permettre, sous prétexte de se soigner naturellement, de perturber notre corps en lui administrant de telles doses de concentrés chimiques.

Satoriz a sélectionné la gamme d’HE Dr Valnet. Que pensez-vous de ces produits ?

C’est une marque bio très sérieuse, capable de fournir un bulletin de contrôle sur simple demande, qui mentionne le nom latin et le chémotype. Elle permet de très bien s’y retrouver. Elle propose des HE en mélanges bien dosés qui sont un moyen sécurisant de découvrir l’aromathérapie. Cela donne souvent envie d’aller plus loin et d’acheter un livre pour creuser le sujet !

Y a-t-il des précautions à prendre en matière de conservation ?

Une HE se conserve toujours à l’abri de l’air et de la lumière, idéalement dans une boîte. Celles de zeste d’agrume se conservent environ 3 ans, car elles peuvent se peroxyder en présence de l’oxygène de l’air. Il est conseillé de les garder au réfrigérateur une fois entamées pour éviter ce phénomène si vous voulez les garder plus longtemps. Quant aux autres, elles se gardent à vie, comme un alcool fort distillé, si elles sont bien conservées ! C’est là que l’on prend conscience de leur côté économique : c’est un budget au départ, mais elles ne périment pas, longtemps après leur achat.

Chaque HE contient des dizaines de principes actifs. Comment s’y retrouver ?

Il faut commencer avec des choses simples. Au début de plusieurs chapitres, nous présentons des « trousses » faciles à utiliser : trousse d’hiver, de secours… On va alors se contenter de deux ou trois indications pour chaque HE. Si on hésite sur la voie d’administration, on va se fier à l’odorat : le nez ne se trompe jamais, il nous dira quoi faire. Ainsi l’HE de gaulthérie sent le vestiaire de sportifs après un match : on n’a pas envie de la diffuser ! L’eucalyptus globulus, en revanche, on sent que ça va aider nos poumons, on a envie de la respirer. L’olfactif est notre sens le plus primaire, il agit toujours pour nous protéger. C’est aussi le traitement le plus efficace sur tout ce qui interagit avec la sphère émotionnelle : stress, sommeil, angoisses…

L’aromathérapie est-elle vraiment à la portée de tous ?

C’est relativement simple et on a moins de dangers qu’avec l’allopathie, mais si les HE sont plus efficaces que les antibiotiques c’est bien qu’elles ne sont pas anodines ! Les mésusages sont courants et il est crucial de garder à l’esprit que l’on est dans une version ultra concentrée de la plante, hautement active, avec une certaine toxicité. Sans plus de connaissances, les HE sont déconseillées avant 6 ans, pour les femmes enceintes et allaitantes, les asthmatiques et les personnes sous traitement médicamenteux. Il faut bien se laver les mains après utilisation, notamment les massages, et toujours diluer les huiles. Et surtout, ne jamais négliger le diagnostic, se méfier de la banalisation de l’information via internet et se donner les moyens de faire les choses bien en optant pour des HE de qualité bio. Nous avons pensé le livre comme un guide familial : il enseigne comment traiter les petits et les grands maux, préparer des pastilles pour la gorge ou de l’huile aromatisée pour la salade… C’est l’équivalent du « guide des plantes » de nos grands-mères, avec les mêmes précautions d’usage.

CC