Lamazuna : Cosmétiques solides et zéro déchet

 

Des cannelés, des nuages, des zèbres… Tel est l’univers onirique et coloré de Lamazuna, « Jolie jeune fille » en géorgien. Une gamme de cosmétiques solides « écolonomique » qui nous invite à repenser notre salle de bains et à questionner nos usages. Objectif  : zéro déchet dans la salle de bains, beaucoup de prise de tête en moins !

Entretien – Laëtitia Van de Walle

 

Comment est née Lamazuna ?

En 2010, grâce à un éclair de lucidité ! En week-end avec des amis, je n’ai eu sous la main pour me démaquiller qu’une serviette en microfibres et de l’eau, grâce auxquelles j’ai pourtant réussi à ôter à peu près tout mon maquillage (ainsi que la moitié de mes cils !). C’est là que l’idée est née : trouver une texture de microfibre permettant d’ôter le maquillage en douceur juste avec de l’eau. Constatant qu’elle n’existait pas, je l’ai fait mettre au point ! Restait à la commercialiser. Au départ, ces lingettes microfibres étaient protégées par un film plastique que nous faisions fabriquer. Cela ne me convenait pas, car entre-temps j’avais décidé qu’elles seraient le point de départ d’une salle de bains entièrement zéro déchet. J’ai par conséquent entrepris de remplacer ce plastique par une boîte en bois, puis j’ai ajouté une cup menstruelle (un accessoire de hippie à l’époque !) et un cure-oreille, l’oriculi. En 2015, j’ai complété la gamme avec des produits de cosmétique solide, bio autant que possible, 100 % vegan et fabriqués en France.

Quel est donc le principe de la cosmétique solide ?

L’idée est de ne proposer que la matière active du produit, sans eau. L’absence d’eau permet de se passer d’emballage plastique et d’utiliser beaucoup moins de conservateurs. Pour le reste, « cosmétique solide » ne rime pas forcément avec bonne composition… Chez Lamazuna, nous avons à cœur de sélectionner rigoureusement nos ingrédients. Les actifs moussants ne sont pas encore certifiables en bio, mais les choses bougent  : c’est pour bientôt et nous suivons le dossier avec attention.

Ces actifs, quels sont-ils ?

L’agent moussant que nous utilisons est un dérivé d’huile de coco, le SCI (Sodium cocoyl isethionate). Sans sulfates, il est l’un des actifs les plus doux et les moins irritants.

Quels autres autres ingrédients composent vos produits ?

Tous sont d’origine soit minérale – comme l’argile, qui lave mais permet également d’obtenir un produit compact –, soit végétale. Il était très important pour nous de fabriquer des cosmétiques vegan. Nous n’utilisons aucun ingrédient d’origine animale tels que suif, lanoline, cire d’abeille… Nous sommes constamment à la recherche d’alternatives. Par exemple, nous utilisons un acide palmitique à base d’huile d’olive italienne et non d’huile de palme. C’est le genre de chose qui ne transparaît pas à la simple lecture de la liste INCI, qui énumère les ingrédients contenus dans le produit. Même chose pour le terme « Parfum ». Tous nos parfums sont issus d’huiles essentielles. Néanmoins sur l’étiquette, nous devons indiquer uniquement « Parfum », comme si nous utilisions n’importe quel produit de synthèse ; c’est la règle ! Elle nous oblige par ailleurs à signaler la présence d’huiles essentielles, même pour celles ne présentant pas de dangerosité pour les femmes enceintes et les enfants, c’est pourquoi nous avons également créé des produits qui en sont totalement dépourvus.

Comment élaborez-vous les formules ?

C’est le travail d’une experte chimiste toxicologue. Puis nous testons tout en interne afin que chacun donne son avis et faisons des tests de stabilité. Développer un produit nous prend au moins un an.

Après le contenu, le contenant…

Nous avons pensé nos produits de manière à contourner l’emballage plastique. La plupart sont donc simplement placés dans une petite boîte en carton biodégradable. Pour nos brosses à dents à têtes interchangeables, nous payons à l’avance le recyclage par TerraCycle®. Les consommateurs peuvent nous renvoyer les têtes usagées ou bien les placer dans les boîtes de collecte des magasins bio prévues à cet effet. Pour nos expéditions, nous réutilisons les cartons que nous recevons et récupérons ceux des voisins. Cela implique d’enlever toutes les étiquettes, c’est très chronophage mais c’est vraiment notre parti pris ! Le carton a un très gros bilan carbone et nous refusons d’en rajouter. Nous utilisons également du scotch papier que nous mettons au compost. En contrepartie, 2 % des ventes réalisées via notre site web financent des plantations d’arbres au Pérou et des projets d’agroforesterie en France.

La démarche n’est pas commune. Comment la faire comprendre à la clientèle ?

Notre objectif étant qu’un maximum de personnes passe en mode zéro déchet, nous avons opté pour une communication positive et des packagings colorés, ludiques. Les shampoings sont en forme de cannelés, les nettoyants visage sont des nuages… Tout cela autant pour le côté fun que pour faciliter leur prise en main. Au début, seul l’argument économique fonctionnait. J’expliquais aux gens qu’un shampoing solide équivaut à deux bouteilles de shampoing classique. J’ajoutais qu’étant donné qu’il est dépourvu de sulfates, le cheveu graisse beaucoup moins vite, cela permettant d’espacer les shampoings. Petit à petit, l’idée a fait son chemin : consommer moins mais mieux, prendre le temps de choisir, prendre soin de ce que l’on achète. Et puis j’ai senti un net changement en 2015 avec l’organisation en France de la Cop 21. Une affiche disait : « un végétarien en 4×4 pollue moins qu’un omnivore à vélo ». Il y a eu des livres sur la question du zéro déchet (Béa Johnson, La Famille Zéro déchet), des conférences… Et les Français ont tout compris d’un coup : le vegan, le zéro déchet et la cosmétique solide.

Parisienne à l’origine, Lamazuna est aujourd’hui installée dans la Drôme, à quelques kilomètres de Romans-sur-Isère. Une envie de nature ?

Être à Paris nous a permis d’éclore grâce à la boutique où nous pouvons conseiller les clients et organiser des ateliers. Mais quand notre activité a véritablement pris son essor, il nous a fallu chercher des locaux beaucoup plus grands. Je ne me suis pas limitée à la région parisienne. La Drôme est le premier département bio de France, à 2h de train de Paris… J’ai trouvé ce local début 2018, et l’été suivant on débarquait ici ! Presque toute l’équipe parisienne a suivi. Nous étions en majorité des vingtenaires sans grosses attaches, cela nous a permis de faire le saut. Nous étions rodés : depuis plusieurs années, nous parcourions la France à bord d’Ulysse, le camion aménagé qui nous permet d’organiser des ateliers gratuits dans les villes. Ça crée des liens ! Ici, au début, on s’est plus ou moins installés en colocation, puis chacun a petit à petit trouvé ses marques.

Comment vivez-vous l’aventure zéro déchet au sein de l’entreprise ?

À chaque embauche, nous offrons au nouvel employé une gourde et un livre sur le zéro déchet ! L’équipe d’origine est constituée de personnes convaincues, souvent engagées dans un mode de vie vegan. À l’heure du déjeuner, on mandate une personne qui emporte des boîtes à la boulangerie pour rapporter des sandwichs non emballés. Sur un tableau, on pratique le « qui fait quoi » : vider le lave-vaisselle, arroser les plantes, brasser le compost… Chacun doit sentir qu’il s’agit de son espace et faire en sorte d’en prendre soin. Le vendredi après-midi, on ne travaille pas. Certains employés en profitent pour faire émerger un jardin en permaculture. Notre objectif est de le faire grandir avec l’aide de professionnels de manière à remplacer les tickets resto par des paniers de fruits et légumes !

Parlez-nous de l’oriculi !

C’est un cure-oreille en bambou qui remplace les cotons-tiges. J’ai inventé le mot en 2013, mais pas l’objet, qui existait déjà au Japon sous le terme « mimikaki ». Je crois que l’on a tous été choqués par l’image d’un hippocampe entouré autour d’un coton-tige… L’oriculi permet d’éviter les bouchons d’oreille. Il se nettoie à l’eau et s’utilise toute la vie.

Ce qui est également le cas de vos brosses à dents… Ou presque !

L’idée est de conserver le manche à vie en changeant uniquement les têtes, que nous recyclons. Notre brosse est en bioplastique, elle contient 70 % d’huile de ricin. Nous sommes en veille pour passer à un composant 100 % biodégradable.

Et sur la brosse, on met quoi ?

Du dentifrice solide ! Il est arrimé à un bâtonnet biodégradable qui se pose simplement dans le verre à dents. On mouille la brosse à l’eau chaude, puis on frotte le dentifrice dessus. Et ça mousse ! Le premier composant du dentifrice est le carbonate de calcium, auquel nous ajoutons de l’huile essentielle de menthe poivrée ou bien de la poudre de cannelle pour le goût, puis du SCI pour l’effet moussant..

Ça mousse aussi côté shampoing ?

Oui, avec un mode d’emploi identique : on se mouille d’abord les cheveux, puis on frotte le shampoing dessus. On le pose ensuite sur un simple porte-savon, à l’abri de la douche. Pour l’emporter en week-end, on le glisse dans un gant de toilette ou un pot en verre. Je conseille à tout le monde de commencer par utiliser un shampoing destiné aux cheveux normaux. Pas mal de personnes s’imaginent avoir les cheveux gras alors qu’elles utilisent simplement des shampoings bourrés de sulfates qui forcent leur cuir chevelu à produire trop de sébum… Cela se régule avec le temps.

Qu’en est-il des nettoyants visage ?

Même principe : on mouille le visage et on passe un nuage nettoyant sur la peau. On masse et on rince. Nos nettoyants sont beaucoup plus doux que n’importe quel savon. Leur agent nettoyant est le charbon (pour les peaux grasses), le kaolin (pour les peaux normales) ou bien l’avoine (pour les peaux sensibles).

Et ensuite, une petite crème de jour ?

Du beurre de cacao solide ! C’est notre crème hydratante. Certifié bio, il est enrichi d’huile de coco et d’huile de baobab. En fonction de son type de peau, on en dose simplement la quantité. Nous ne le distribuons pas pendant les mois d’été car il fond à la chaleur… Rendez-vous fin septembre !

Vous proposez également un déodorant solide. Quelles sont ses spécificités ?

C’est un déodorant et non un antitranspirant. Un antitranspirant contient des sels d’aluminium, réputés dangereux, qui ferment les pores de la peau et empêchent la transpiration de s’évacuer. Notre déo à base de bicarbonate et de kaolin ne stoppe pas l’écoulement de la transpiration – notre corps a besoin d’évacuer ! – mais l’huile essentielle de palmarosa qu’il contient grignote les bactéries responsables des mauvaises odeurs. Pour l’utiliser, on l’humidifie à l’eau chaude ou froide ou bien on le passe directement sur les aisselles mouillées.

Finalement, il ne manque que du maquillage… Bio et zéro déchet, c’est possible ?

Et si on s’en passait, tout simplement ?

CC