L’ABC du thé bio

Jardin de thé dans le Hebei, image Jardins de Gaïa

Jardin de thé dans le Hebei, image Jardins de Gaïa

… et la fabuleuse histoire des thés Jardins de Gaïa

Back to 1993, époque révolue où le thé bio… n’existait pas. Le quidam moyen buvait des sachets étiquetés « thé vert » ou « thé noir », et les rares amateurs de thé se procuraient des feuilles en vrac, gage de qualité jugé suffisant, sans se soucier de savoir si elles étaient traitées. Arlette Rohmer était alors bénévole dans une association bio et travaillait dans un magasin d’alimentation naturelle alsacien, au sein de l’ambiance Birkenstock qui seyait au contexte et d’une petite foule de militants écolos de la première heure. Son truc à elle, c’était les plantes, les tisanes, le thé et toutes les fleurs qu’elle faisait sécher dans sa cuisine pour créer des mélanges originaux et inviter ses amis à passer boire une tasse. Suite logique : l’envie de faire mieux et bio, qui la conduit à racheter des blends de thés en Allemagne, qu’elle ensache dans sa cuisine. Deux années plus tard et de fil en aiguille, elle a fait le tour du monde des cultivateurs et propose aujourd’hui à la marque « Jardins de Gaïa » le plus grand choix de thés 100% bio, plus de 250 mélanges originaux et « direct producteur » dont 70% issus du commerce équitable.

 

La nécessité du bio

Cette démarche originale et succinctement résumée est un peu plus qu’une petite histoire : c’est grâce à des gens comme Arlette Rohmer que nous consommons aujourd’hui du thé bio en provenance de Chine, d’Inde ou encore du Vietnam. C’est en effet la demande des amateurs de thé occidentaux de l’époque, poussant leurs émissaires jusque dans les jardins des pays producteurs, qui a conduit ces derniers à se tourner vers la culture bio. La première certification AB a été obtenue par un producteur du Darjeeling en 1995.

 

Récolte du rooibos à Wupperthal, image Jardins de Gaïa

Récolte du rooibos à Wupperthal, image Jardins de Gaïa

 

La réalité de la production de thé est loin des images zen, proprettes et enchanteresses véhiculées par les catalogues d’enseignes au design léché. En conventionnel, la culture n’est ni zen ni propre : l’utilisation de pesticides est massive pour contrer les nombreuses maladies affectant les théiers, ceux-ci étant considérablement affaiblis quand ils sont exploités en monoculture et de surcroit en plaine. Ils doivent lutter contre le « tea mosquito » accro de pousses fraiches, les minuscules araignées rouges qui trouvent logis à l’intérieur des feuilles et divers champignons toujours prompts à faire colonie ; les cultivateurs, sans protection et non conscients des dangers qu’ils encourent, souffrent de maladies liées à l’emploi de pesticides. La surproduction est massive et appauvrit considérablement les terres dans des zones déjà sensibles à l’érosion. La démarche bio prend ainsi et là encore un caractère d’évidence car elle s’adapte à la terre et la nourrit. Néanmoins, dans le thé comme par ailleurs, il y a bio et bio : le filon étant porteur, des cultures « bio » de qualité discutable s’étendent dans les grands pays producteurs. Pour garantir du bio de qualité supérieure, la rigueur est donc de mise dans la sélection des cultivateurs partenaires. Et c’est là que nous retrouvons Arlette, devenue globe-trotteuse entre-temps…

 

Partenariats historiques

Pour s’assurer du bien-fondé de cette sélection, il faut se rendre régulièrement sur place. Arlette, qui n’a plus guère le temps de faire sécher de plantes dans sa cuisine, part plusieurs fois par an à la rencontre des producteurs d’Afrique du Sud, Asie (Chine, Vietnam, Laos, Japon, Corée), Inde et Sri Lanka. Elle privilégie les partenariats historiques noués avec les producteurs rencontrés à ses débuts, qui sont pour beaucoup de petits producteurs désireux de travailler sur des projets à taille humaine sur leurs thés issus de forêts originelles. Elle profite de ces voyages pour regrouper les cultivateurs dans des groupes de réflexion. Si certains appliquent les principes de la biodynamie (Darjeeling, Sri Lanka) et mettent en place des actions préventives pour lutter contre les maux qui affectent les théiers, il n’empêche que ces derniers peuvent décimer des récoltes entières et faire flamber les prix. D’où l’importance d’un engagement ferme, durable et soutenu – le véritable commerce équitable.

 

Portrait d'Arlette devant le Gaïa Bari (littéralement le Jardin de Gaïa) dans le Darjeeling, image Jardins de Gaïa

Portrait d’Arlette devant le Gaïa Bari (littéralement le Jardin de Gaïa)
dans le Darjeeling, image Jardins de Gaïa

 

 

Récolte au Darjeeling, image Jardins de Gaïa

Récolte au Darjeeling, image Jardins de Gaïa

Il y a vingt ans, le premier voyage d’Arlette l’avait menée en Inde. Aujourd’hui, il existe là-bas un jardin de thé baptisé « Gaïa Bari » (Jardin de Gaïa) en hommage à l’entreprise qui a fait installer un système d’irrigation épargnant aux femmes du village de parcourir chaque jour plusieurs kilomètres en quête d’eau. C’est une véritable histoire d’amitié qui s’est nouée au fil du temps entre Arlette et ses partenaires, dont Brij Mohan, celui qu’elle appelle son « mentor ». Celui-ci travaillait pour une entreprise anglaise basée au Darjeeling. A l’époque où, grâce à Gandhi, les jardins sont rendus aux Indiens, tandis que la quasi-totalité de ces derniers se tournent vers les engrais (business sur lequel les Anglais avaient gardé la mainmise), Brij Mohan a choisi le bio.

En Inde, un jardin est généralement détenu par des privés (souvent de riches familles). Ceux-ci possèdent le droit d’exploitation sur des décennies et gèrent l’usine de transformation. La majorité des employés le sont à l’année et vivent sur place avec leurs familles. Les cueilleuses sont, elles, payées à la feuille ramassée. Dans les rares forêts originelles où poussent les théiers sauvages (Yunnan en Chine, nord du Vietnam, Laos) c’est plutôt le système de la coopérative qui prévaut. Les petits paysans détenant les droits d’exploitation de la forêt apportent les feuilles fraîches à l’usine. Le savoir-faire à mettre en œuvre dans la fabrication du thé est considérable : humidité, chaleur, temps de séchage, mise en forme, etc., sont autant de facteurs que l’on ne peut laisser au hasard.

Dans d’autres pays, comme le Japon et la Corée, le critère « équitable » s’applique dans l’absolu à l’ensemble des productions sans qu’aucune certification ne soit nécessaire. On travaille sur des théiers de nombreuses variétés, ces dernières faisant l’objet de recherches et d’améliorations constantes. Certaines variétés anciennes sont remises à l’honneur. Au Japon, Arlette travaille essentiellement avec des cultivateurs installés sur l’île de Kyushu, la plus au Sud, ainsi que sur certains lieux de productions traditionnels tels Uji, berceau du sencha et du matcha. Depuis les événements de Fukushima, des analyses sont systématiquement réalisées sur les récoltes de thé japonais, dont la qualité n’a jamais été remise en cause.

 

Culture du thé à Kagoshima, image Jardins de Gaïa

Culture du thé à Kagoshima, image Jardins de Gaïa

Quali -thÉ

Tous les thés proviennent du théier, arbre de la famille du camellia. Parmi les différentes espèces, une seule est utilisée pour la fabrication du thé : le camellia sinensis. Celui-ci se décline en trois variétés différentes.

La première (camellia sinensis ou china) est à l’origine du thé de culture. Principalement cultivé en montagne et dans des climats rudes, le théier peut atteindre jusqu’à 6-7 mètres de hauteur et vivre plus de mille ans. Ses petites feuilles produisent des thés parfumés au goût très raffiné. La deuxième variété (camellia sinensis assamica) a été découverte par un Ecossais dans la région d’Assam (nord-est de l’Inde) et sa culture s’étend sur une bonne partie du continent indien, sri lankais et africain. Très bien adapté aux climats tropicaux, il pousse essentiellement en plaine. Ses grandes feuilles sont moins aromatiques que celles du sinensis et son goût plus charpenté. A l’état sauvage, il peut s’élever à plus de 30 mètres de haut, mais sa durée de vie n’excède pas 300 ans. La troisième variété, le camellia cambodiensis, est à l’inverse très peu utilisée (essentiellement pour l’hybridation).

Cueilleuses de l'ethnie Hmong au Nord du Vietnam (théiers sauvages), image Jardins de Gaïa

Cueilleuses de l’ethnie Hmong au Nord du Vietnam (théiers sauvages), image Jardins de Gaïa

Variété employée, terroir, climat et altitude donnent les caractéristiques premières du thé tandis que le goût, la couleur et la qualité finale sont déterminés par le savoir-faire et la créativité des producteurs. Pour les thés noirs d’Inde et du Sri Lanka, la qualité est définie par des grades qui correspondent à des types de récoltes (tips ou Pekoe). Dans les autres pays, c’est plutôt la notion de terroir qui est prise en compte et l’on qualifie le type de cueillette uniquement lorsqu’il fait la spécificité du thé. Ainsi, la cueillette impériale est constituée de 100% de bourgeons, c’est l’excellence du thé. Plus la récolte est riche des toutes premières feuilles entourant le bourgeon, plus le thé est chargé en huiles essentielles et principes actifs, d’autant plus rare et savoureux. On parle ainsi de cueillette fine pour la première feuille à peine ouverte et les deux suivantes. Toujours réalisée à la main, elle donne des thés de qualité. A partir de la 3e feuille, on parle de récolte grossière appelée Souchong, que les Chinois utilisent néanmoins pour produire des thés fumés dont certains sont excellents.

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Si la récolte fait la qualité du thé, c’est la phase de transformation qui détermine son type : blanc, vert ou noir. Une fois cueillies, les feuilles sont mises à sécher sur des claies. Le processus s’arrête là pour le thé blanc, la « tisane » du thé, léger et peu théiné. Pour le thé vert, les feuilles sont soit passées à la vapeur (méthode japonaise, qui donne un thé d’un vert soutenu), soit à la chaleur directe (thés verts chinois, moins colorés), puis roulées avant d’être séchées. Le thé vert n’est pas fermenté, il est donc riche en antioxydants. Les thés Oolong ou bleu-vert, quant à eux, sont issus de grandes feuilles partiellement fermentées, au goût très fleuri. Excellents, ils atteignent parfois des prix très élevés. Précisons que cette fermentation est totalement naturelle (comme celle qui transforme le jus de pomme en cidre) et permet une conservation longue, sans perte de goût. Les thés noirs sont fermentés entre 2 et 6 heures. Au-delà, on parle de thés sombres ou Pu Er, qui subissent une fermentation longue et une post-fermentation d’un minimum de 3-4 mois. Ces « rois des thés » issus de variétés anciennes cueillies sur des théiers sauvages sont la boisson traditionnelle du Yunnan, où l’on vante leurs vertus thérapeutiques et leur richesse en polyphénols.

Roulage du thé vert au Rock Garden près d'Uji, image Jardins de Gaïa

Roulage du thé vert au Rock Garden près d’Uji, image Jardins de Gaïa

Flétrissage du Mineral Spring (Darjeeling), image Jardins de Gaïa

Flétrissage du Mineral Spring (Darjeeling), image Jardins de Gaïa

Autre mode de fabrication  : celui du thé fumé. Une fois fermenté, le thé noir est fumé au bois de pin ou d’épicéa et conserve la saveur de la fumée (on l’appelle Lapsang ou Tari Souchong). D’autres thés sont grillés, comme le thé vert japonais Hojicha, dont les feuilles roulées sont placées sur une plaque chauffante. Le thé matcha, à l’inverse, est un thé vert japonais dont les arbustes ont été couverts au minimum 20 jours avant récolte pour en renforcer leur teneur en chlorophylle et minéraux. Les feuilles sont cueillies à la main et on en ôte les nervures (tencha) avant de les sécher et de les réduire à la meule de pierre en une poudre ultrafine, dont la dégustation est à l’origine d’un cérémonial à part entière (chanoyu).

D’autres thés… n’en sont pas. Ainsi le thé Mu, mélange macrobiotique de 37 plantes, et le Rooibos, feuille d’une légumineuse d’Afrique du Sud. Cette « tisane des bushmen » s’oxyde dès qu’elle est coupée, passant du vert au rouge en l’espace de quelques heures avant d’être séchée au soleil. Magnifique alternative au thé et à la tisane, le Rooibos a été popularisé en France par Jardins de Gaïa à la fin des années 1990.

Art, plaisir, savoir

Partout où Arlette s’est rendue, même dans les villages les plus pauvres et reculés du Vietnam, elle a toujours été reçue avec le meilleur thé, servi dans la plus belle théière, bu dans la tasse la plus précieuse. Trois simples feuilles infusées dans un peu d’eau sont déjà un témoignage de reconnaissance. Parenthèse dans le temps, soin dans le choix des accessoires, raffinement de la dégustation : tout dans le thé invite au respect et à une réflexion sur son art. En France, ses subtilités sont encore mal connues mais le nombre de passionnés va croissant et invite avant tout à un devoir… de modestie. Le thé étant « tendance » et les grandes marques à ambiance qualitative très présentes sur le marché, il n’est pas rare de voir des boîtes estampillées « premium » ou « grand cru » sans qu’aucune définition ne sous-tende les termes utilisés. Mais avant de se qualifier « expert ès thé », mieux vaut réviser son lexique…

Tea-tasting dans le Darjeeling

Tea-tasting dans le Darjeeling

Arlette distingue ainsi trois niveaux de qualité gustative. Les grands classiques (Earl grey, Jasmin, etc.) sont pour elle l’équivalent des bons vins de table. La gamme intermédiaire fait figure de grand cru, tandis que certains thés extrêmement rares (constitués uniquement de bourgeons) sont de véritables produits d’exception. On déguste le thé comme le vin, en l’aspirant avant de le faire tourner en bouche. Le thé s’y développe, laissant parfois une sensation de corps gras. Le vocabulaire de dégustation est sensiblement identique à celui du vin (longueur en bouche, au palais, dans la gorge), mais certains adjectifs sont spécifiques : goût herbacé, fumé, fruité, fleuri. Certains thés ont des parfums incroyables dignes d’un cru de parfumeur, mais il arrive que le nez perçoive des arômes qui révèlent une toute autre énergie une fois en bouche.

A la maison, même si l’on n’est pas spécialiste, il convient d’éviter de faire infuser le thé (surtout le vert) dans une eau trop chaude pour ne pas développer son amertume. Les thés verts, qui infusent très vite, sont ainsi particulièrement sensibles à la chaleur de l’eau. On évite donc de les laisser infuser en théière plus de 2 minutes (5 pour un thé noir, 8 pour un Oolong).

Le top : ébouillanter au préalable la théière pour que les feuilles que l’on y plonge commencent à développer leurs arômes dans une atmosphère chaude et humide. L’été, n’hésitez pas à les infuser à froid dans une eau de source ou minérale : des feuilles jeunes et vertes infusent en trente minutes à peine.

L’ajout de citron, lait ou sucre n’est pas une hérésie mais une simple question de goût. Un nuage de thé peut arrondir joliment les notes d’un thé anglais. En Asie, boire du thé avec le repas ou pour le finir est même un réflexe. On sait toutefois que les tanins du thé peuvent perturber l’absorption du fer par l’organisme. Mieux vaut donc boire le thé en-dehors des repas, même si rien n’empêche de s’amuser à transposer nos connaissances en œnologie à l’accord mets-thés (les thés fumés ou grillés accompagnent particulièrement bien les plats salés).

Chez Arlette, le tea-time, c’est du matin au soir : thé noir fermenté pour se réveiller (Darjeeling First Flush), thé vert japonais ou coréen dans la matinée pour la concentration, thé vert ou Oolong après le déjeuner, Pu Er l’après-midi, Rooibos ou infusion de bambou le soir… Plus qu’un thé préféré, un thé pour chaque moment de la journée, en gardant en tête le fait que les thés contenant le plus de bourgeons sont souvent plus forts en théine et stimulent vigilance et concentration (comme le café, mais de manière plus progressive).

Surtout, invitez le thé en cuisine. Si vous ne savez qu’en faire, appréhendez-le comme une épice à saupoudrer ou infuser et utilisez-le dans les recettes qui requièrent du lait, du bouillon ou de l’eau. Il va booster certaines saveurs, donner des notes herbacées ou fumées, et nous emmener dans un univers sensoriel totalement inédit. Le thé matcha, parce qu’il est réduit en poudre et joliment coloré, est le plus facile à utiliser, mais les thés parfumés, verts, noirs ou fumés ont aussi leur place en cuisine (voir les recettes de Clea).

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Le thé, produit moderne

Loin d’être figé dans son histoire, le thé est matière à innovation et expérimentation. Les différentes variétés et étapes de transformation (roulage, séchage, fumage, aromatisation…) donnent lieu à des recherches poussées. Comme pour les céréales, les variétés anciennes sont remises à l’honneur depuis quelques années et laissent augurer une forme de renouveau.

La toute dernière tendance en date est celle du thé coréen. En Corée du Sud, les moines sont traditionnellement producteurs de thé et porteurs d’un véritable savoir en herboristerie. 80% des cultures sont bio et elles sont longtemps restées réservées à la consommation nationale. Aujourd’hui, le reste du monde découvre ce thé vert aux vertus médicinales reconnues, proche du thé japonais mais moins onéreux.

Chez Jardins de Gaïa, tous les mélanges sont réalisés, aromatisés et ensachés sur place dans l’usine de Wittisheim (Alsace) qui compte une soixantaine de salariés. Et c’est toujours Arlette qui met au point les recettes, comme au bon vieux temps des fleurs séchées maison… Dernières découvertes en date : le tulsi et le moringa (arbre de vie). Jardins de Gaïa met un point d’honneur à utiliser des arômes naturels et bio certifiés, certes moins puissants que les arômes de synthèse mais beaucoup plus proches de la logique de départ. Fruits, fleurs, épices, huiles essentielles… Pour les thés traditionnellement parfumés, la source aromatique (fleurs de jasmin, pétales de roses) est intégrée pendant le processus de fabrication, pour que ses arômes s’y développent naturellement. C’est aussi rendre hommage aux petits producteurs, qui cultivent sur place des épices en association avec les théiers… donc à l’humain, et à la terre.

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CC