La mogette Audureau – Cultivée et transformée à la ferme, en famille

Beau dimanche d’été à l’Ile d’Olonne, en Vendée. La journée est chaude, lumineuse et conviviale. Musique, danses folkloriques, fanfares animent les plus grandes places et régalent habitants locaux comme vacanciers. Plus loin, autour de l’église et dans les ruelles qui la prolongent, de nombreux artisans s’affairent avec la même gaité.

La fête en cours est celle des vieux métiers. L’occasion de faire revivre la commune à l’heure des crémiers, lavandières et sabotiers… Plaisir de retrouver les gestes précis qui séduisent ou surprennent les nouvelles générations, de ressortir les outils parfois imposants qui aidaient les artisans dans leur tâche… C’est le cas sur le stand qui appelle notre visite, où l’attention est immédiatement captée par une machine infernale bardée de poulies et de courroies qui ont le bon goût de s’affoler en cadence. C’est avec ce monstre de métal et de bois qu’on écossait la mogette, il y a quelques décennies. La mogette ? Bédame ! C’est un haricot blanc régional de type lingot, et c’est également le nom de la délicieuse préparation qu’en font les Vendéens, depuis plusieurs siècles.

Cette mogette est ici une véritable institution. Certes, elle est traditionnelle. Mais c’est surtout parce qu’elle est bonne, saine et nourrissante qu’elle plait et continuera de plaire. Elle est exigeante aussi… Pour la produire, la récolter et la trier, chaque génération a dû déployer des trésors d’ingéniosité. Cette machine qui roule les mécaniques nous en convainc d’autant plus qu’elle était opérationnelle il y a peu encore : elle a permis aux parents Audureau puis à Roland de travailler la mogette, jusque dans les années 1970. Roland tient donc son propre rôle à la fête et s’évertue à expliquer comment se faisait le travail au siècle dernier, accompagné de collègues producteurs qui ont peu ou prou le même parcours. A une nuance près, tout de même… Roland Audureau est cultivateur bio. Chers lecteurs, la famille Audureau est donc votre fournisseur.

Un sacré bonhomme, notre Roland. A la retraite depuis plusieurs années mais vif comme pas deux, il est toujours à humer l’air du temps, à l’affût d’une bonne idée, d’une amélioration possible. Pas étonnant qu’il ait été le premier producteur bio de mogette, il a compris avant tous la nécessité de tourner la page d’un système qui détruit autant qu’il produit. Pas étonnant non plus que lui et sa famille aient eu l’idée et l’énergie de la cuire puis de la mettre en bocaux à la ferme avant d’aller solliciter leurs heureux clients. Pas étonnant enfin que cette mogette en bocaux soit aussi bonne que sur les meilleures tables ; c’est qu’ils les aiment leurs haricots, les Audureau ! Et notamment Roland, qui fut membre du syndicat de la mogette, de la confrérie de la mogette vendéenne… Il a tout fait pour la faire revivre à une époque où elle n’avait plus la cote. Initiateur d’un regroupement de producteurs, il a œuvré pour équiper la corporation des meilleurs outils afin de bien trier et calibrer les lingots. Il s’est battu pour que ces lingots blancs retrouvent leur lustre d’antan tout en s’adaptant aux exigences du XXIe siècle, et c’est gagné. Quant à la famille, elle n’était pas en reste : animations dans les salons, dégustations en magasin… Rien ne se fait seul, l’efficacité du travail en équipe a tout rendu possible.

Trois jours après la fête, nous visitons la ferme. C’est aujourd’hui Julien, fils de Gisèle et Roland, qui reprend l’activité. Et ça ne chôme pas plus qu’avant… Les projets se multiplient, l’énergie et la créativité sont bien là et le vent est favorable ; il n’a pas fini de nous surprendre, Julien ! C’est lui qui nous fait visiter les cultures, longues rangées soignées étirées sur la magnifique terre d’argile et de limon qui confère à la mogette son inégalable goût de terroir. Nous sommes au cœur de la région historique de production, là où le fameux lingot s’exprime le mieux, et nous comprenons à quel point nous sommes gâtés. Le haricot mythique est ici au top.

Image Christophe Bouron

L’atelier de transformation se trouve à la ferme. Produire plus localement, on ne peut pas ! Pour son élaboration, la mogette cuisinée pour vous bénéficie d’une préparation en deux temps : pré-cuisson à l’eau, puis cuisson dans le bocal, en étuve. Le haricot est à peine rehaussé d’un peu de sel, sans ail ni bouquet garni ; chacun pourra ajouter ce qui lui fait plaisir au moment de déguster, s’il le souhaite. Mais ce n’est pas nécessaire. Finesse de la peau, petit arôme de châtaigne, la mogette Audureau sublime son terroir et s’exprime seule. Modeste mogette, plat du pauvre s’il en est, qui élève l’air de rien le lingot blanc au rang de la gastronomie.

Image Christophe Bouron

Comme toutes les légumineuses, la mogette est riche en protéines et gagnerait à être plus présente dans nos assiettes. Elle est également riche en fibres et contiet des glucides à index glycémique bas. Si l’on ajoute qu’elle est largement pourvue en magnésium et dotée d’une bonne dose de vitamines du groupe B, on comprend alors sa réputation de légumineuse apaisante.

Cinq conseils pour bien apprécier la mogette

I) Vous ne connaissez pas la mogette ? Commencez par ouvrir un bocal Audureau. Un peu de beurre, un peu d’ail si vous l’aimez…

II) Osez les « grillées de mogette » ! Un plaisir familial, typiquement vendéen.
Coupez le pain de campagne en tranches, puis faites-les griller.
Frottez de l’ail sur les tartines encore chaudes.
Tartinez de beurre. Du beurre salé, Vendée oblige !
Ecrasez la mogette tiède, et dégustez.

III) Servez la mogette en accompagnement de jambon vendéen ou de n’importe quelle viande, satisfaction garantie.

IV) Vous aimez désormais la mogette ? Préparez-la vous-même, à partir des lingots secs. La recette se trouve au dos des étiquettes des paquets Audureau. Précision de la famille : avec les lingots de la ferme, pas besoin de trempage ! Même si la recette donnée préconise de les immerger une heure… Explication de Roland : « C’est un conseil stratégique, histoire de ne pas contredire les chefs cuisiniers ! ».

V) Aller plus loin ? La mogette s’adapte très bien à la créativité de chacun. Mais vous ne serez pas déçu en commençant par les recettes que Gisèle avait gentiment préparées pour nous.

 

 

Deux recettes dégustées sur place et approuvées sans réserve !

HOUMOUS DE MOGETTE « à servir à l’apéro »

120 g de mogettes cuites ou un petit bocal – Quelques anchois ou sardines à l’huile – 2 échalotes hachées – 10 cl de crème fleurette – Un peu de jus de citron – Sel, poivre. Mixer le tout. Placer au frais. Servir avec des toasts ou de petites tranches de pain.

FONDANT DE HARICOLAT

120 g de mogettes cuites – 80 g de sucre de canne blond – 1 gousse de vanille – Un peu de rhum – 2 œufs – 50 g de beurre – 25 g de cacao en poudre. Commencer par préchauffer le four à 150 °C. Réchauffer ensemble dans une casserole les haricots cuits, égouttés et rincés avec le sucre roux, les graines de vanille et le rhum. Mixer ou écraser à la fourchette. Hors du feu, ajouter à cette pâte les jaunes d’œufs, le beurre fondu et le cacao. Incorporer les blancs montés en neige. Verser dans un moule et cuire au four pendant 15 mn environ. Laisser refroidir avant de mettre le gâteau au frais pour mieux le déguster.

JM