Les noix de Grenoble… et de la famille Mietton !

 

Il était une fois une toute petite production de noix de Grenoble située à Tullins, au cœur de la zone d’appellation d’origine protégée « Noix de Grenoble ». Ici la plaine de l’Isère, enrichie par les limons jadis déposés par la rivière, offre un terrain favorable à la culture du noyer. C’est le paradis du courant d’air frais, idéal pour le séchage des noix. Emblèmes du patrimoine local, les séchoirs en bois s’accrochent encore à quelques maisons, bien qu’ils ne servent plus. La noix, elle, est plus que jamais là. Sat’info s’est rendu à sa rencontre dans les vergers de la famille Mietton qui possède l’une des plus petites exploitations des environs… mais pas la moindre dans le cœur de Sato !

Francis et son épouse Christine ont déjà reçu la visite de Sat’info il y a vingt ans de cela. Les noix actuellement cueillies proviennent de plantations réalisées par le père de Francis il y a soixante-dix ans. Les noyers ont subi plusieurs sècheresses, essuyé des tempêtes, croulé parfois sous une neige précoce et lourde… Leur fin de vie approche. Six cents jeunes arbres ont été plantés pour assurer leur renouvellement. Les quatre enfants Mietton, engagés dans différentes professions, se relaient pour apporter de l’aide à leurs parents au mois d’octobre, au moment de la récolte.

Sur la route, on a pu prendre le pouls de la « vallée de la noix ». Et constaté les étendues de noyers plantés serrés, sous les branches desquelles l’obscurité a gagné la partie : le sol est nu, hormis quelques feuilles mortes qui le jonchent çà et là en cette mi-octobre déjà fraîche. En arrivant chez les Mietton, on est frappé à l’inverse : les larges noyers sont bien espacés et plantés en quinconce, ce qui a permis à leurs branches de se développer sans gêner le passage de l’air ni de la lumière, évitant bien des maladies aux arbres. Les vaches du troupeau familial pâturent sous leurs branches, où elles trouvent de l’ombre durant l’été. Leurs bouses nourrissent le sol, qui n’a besoin d’aucune autre fertilisation. Dans ces vergers vivants et équilibrés, il semble que chaque être a trouvé sa place.

Les noyers des Mietton sont bio depuis vingt-cinq ans. À l’époque, Francis, ses copains et quelques saisonniers récoltaient à la main… Aujourd’hui, la récolte est mécanisée grâce à une ramasseuse gérée collectivement via une coopérative d’utilisation de matériel agricole. L’achat est commun, l’usage à tour de rôle. La machine n’a guère le loisir de prendre la poussière pendant la période de récolte, courte et intense ! La saison démarre de manière difficilement prévisible, quand la noix décide de tomber. Et quand il faut y aller, faut y aller : la noix tombée ne doit pas rester trop longtemps au sol. Alors en plus des outils partagés, Francis et ses enfants sortent chaque année du hangar une installation mobile « maison », rudimentaire mais efficace, qui implique de nombreuses opérations manuelles. Chaque noix est bichonnée : c’est du haut de gamme !

La noix de Grenoble est la première à bénéficier d’une appellation AOC (appellation d’origine contrôlée) en 1938, devenue AOP (appellation d’origine protégée) en 1996. Elle court sur une partie de l’Isère, de la Drôme et de la Savoie. Vinay, avec sa Maison du pays de la noix (le Grand Séchoir), en est la capitale. Une autre AOP existe en France, la « Noix du Périgord », qui date de 1997.

Francis décortique pour nous les étapes qui mènent de la récolte à l’assiette. Une fois récoltées, les noix sont lavées dans un tambour rotatif à l’eau froide. Elles sont ensuite triées à la main – un travail précis et de longue haleine. On enlève les noix tachées, cassées ou percées, signe que le ver carpocapse (aussi appelé « ver des fruits », que l’on trouve principalement dans les pommes, les poires… et les noix) s’y est installé… Les noix saines sont ensuite séchées une petite semaine à basse température (pas plus de 25 °C). Ailleurs, on va bien plus vite : 3 jours en moyenne dans un silo à 30 °C. Il y a quelques années encore, Francis utilisait le séchoir à noix en sacoche accroché sur la maison, véritable trésor ! Mais le séchage est une étape aussi cruciale que difficile, qu’il a préféré sécuriser.

Vient ensuite l’opération de calibrage. L’œil est toujours attiré par les gros calibres… Pourtant ce n’est pas la grosseur qui fait la qualité gustative du fruit ! Le calibre dépend de nombreux critères : variété, âge et santé des arbres, météo, etc. Pour bénéficier de l’appellation « Noix de Grenoble », il faut que ces dernières aient un diamètre supérieur ou égal à 28 mm. Les Mietton utilisent un cylindre rotatif percé de trous de 28 mm qui permet de séparer les plus de 28 des petites. Les noix de Tullins sont en général dans une bonne moyenne avec une majorité de 30 à 32 mm. Les noix de sous-calibre et celles retirées lors du triage seront cassées et mondées pour devenir des cerneaux ou pressées pour obtenir l’huile de noix biologique.

Cinq noix permettent de couvrir les besoins quotidiens en oméga-3 et oméga-6, bons pour le cœur et le cerveau. Riches en minéraux, antioxydants et protéines, elles nourrissent pleinement.

Les noix sélectionnées sont de nouveau triées, puis stockées dans de grands contenants. Elles sont contrôlées une dernière fois avant d’être mises dans des sacs de 10 kg. L’objectif in fine est d’avoir le moins possible de noix impropres (véreuses, cassées, grises, etc.). Francis nous en prépare un sac pour la route avec son étiquette maison. On cause un peu cuisine avant de s’en aller ? Tarte aux noix, gâteau aux noix, gratin de ravioles aux noix, noix caramélisées ou grillées avec herbes et épices pour l’apéro font partie du patrimoine culinaire local. Clea vous en propose une adaptation dans les pages qui suivent !

CC