Les bières Irvoy

Partout dans nos villes, les microbrasseries fleurissent. Comme un retour à la terre, le recours à la bière : on se lance voire on se reconvertit pour donner vie à un produit qui, s’il ne nourrit pas les populations, peut faire sens et sensation. Il faut dire que la recette, ancestrale, est à la portée de tous : de l’eau, des céréales, du houblon, des levures, un garage, et hop, on remplit les chopes ! Mais – il y a forcément un « mais » – s’il est facile de faire de la bière, il est beaucoup plus difficile d’en produire une de qualité. La Brasserie grenobloise Irvoy est née comme les autres au temps du boom des microbrasseries, cependant elle tire son épingle du jeu. Expérience, expérimentation, sélection rigoureuse des ingrédients : on vous dit (presque) tout ce qui fait son exception !

Ça commence comme dans une bonne sitcom : deux couples d’amis pas très épanouis dans leurs jobs respectifs s’amusent avec la fermentation, produisent des bières de garage, font pousser des champignons… L’un des couples prête son garage au second : c’est décidé, Sergio et Suzy vont créer une microbrasserie bio ! Sergio est ingénieur chimiste et très bon cuisinier. Il transpose au monde de la bière les protocoles de recherche qu’il appliquait déjà dans son précédent métier, car la chimie, ça reste de la chimie. La passion en plus.

Quatre ans après sa création, la brasserie Irvoy emménage dans les locaux d’une ancienne usine en plein cœur de Grenoble. Grenoble, qui leur donne l’ingrédient principal : une eau pure, garantie sans aucun traitement, dont la présence justifie à elle seule le nombre de microbrasseries dans la capitale des Alpes !

Deuxième ingrédient, des céréales bio et françaises. Elles ont été germées, séchées puis torréfiées : c’est le maltage, procédé qui donne de l’orge, du blé ou encore du seigle malté. Les céréales maltées contiennent des enzymes, déterminantes dans la fabrication de la bière. L’Irvoy utilise aussi des flocons d’orge et d’avoine, ainsi que le sarrasin d’un paysan du coin. Pas de riz ni de maïs, pourtant prisés par les grandes brasseries industrielles du fait de leur bas prix… Car l’objectif n’est pas le même : les industriels font du « très bon, pas cher », tandis que les microbrasseurs misent sur l’excellence. Sans sirop de glucose ajouté…

Troisième ingrédient et non des moindres, le houblon. Ou plutôt les houblons… Les spécialistes se passionnent pour ces lianes grimpantes aux fleurs coniques ; ce sont elles qui donnent à la bière son amertume et certaines de ses notes aromatiques. Chez l’Irvoy, tous les houblons sont bio. Si on vous le dit, c’est parce que ce n’est pas la pratique majoritaire : même une bière bio peut être obtenue avec des houblons conventionnels, qui ne pèsent pas bien lourd dans le total des ingrédients*. Or les meilleurs houblons bio ne sont pas faciles à dégoter. Mais Suzy et Sergio aiment chercher, et ils trouvent ! Des États-Unis, d’Allemagne et d’ailleurs en Europe, leur arrivent ces fleurs femelles aux arômes rares, fruités, exotiques…

*Pour qu’une bière soit bio, il faut et il suffit que 95% des ingrédients d’origine agricole soient certifiés bio.

Mais le houblon n’est pas leur ingrédient phare. Non, le jouet préféré de notre couple brasseur, ce sont les levures ! Dixit Sergio, ce sont elles qui font la moitié du boulot, question saveurs. Le rôle de la levure est de transformer les sucres des céréales en alcool et en gaz carbonique. Celui du brasseur est de préparer une sorte de repas (le moût) que les levures vont ensuite digérer. Inspirée par différentes traditions brassicoles – belge, américaine, allemande et anglaise -, l’Irvoy utilise des levures fraîches provenant de chaque pays, chacune apportant une saveur bien distincte. Voilà encore un élément qui les différencie de la plupart des petits brasseurs, qui utilisent majoritairement des levures sèches, dont les variétés sont moins nombreuses. Chez nos Grenoblois, les levures fraîches sont travaillées et nourries comme un levain, ce qui rend au passage de nombreux services durant le processus de fermentation.

Magnifique transition ! Cette bière, comment la fait-on ?

D’abord, le brassage. On mélange les céréales avec de l’eau chaude. Au bout d’une heure, les enzymes du malt ont totalement transformé l’amidon en sucres.

On filtre pour ne conserver que le jus sucré des céréales, qu’on appelle le moût. Le moût est porté à ébullition afin de détruire les enzymes, dont le travail est terminé, et d’être stérilisé. C’est le moment d’ajouter le houblon.

Le moût est ensuite placé dans un fermenteur. On incorpore les levures, et c’est parti pour la fermentation. Les levures de Sergio sont en superforme : une petite semaine suffit. Pour certaines bières, notamment l’APA, on ajoute du houblon pendant la fermentation. Elle lui conserve ses arômes crus, floraux et fruités.
Après la fermentation, les cuves passent une semaine au froid, le temps que les levures tombent au fond. La bière est ensuite mise en bouteilles. Encore une particularité de l’Irvoy : la bière est carbonatée naturellement pendant la fermentation et embouteillée sous pression : pas de rajout de sucre ni de refermentation en bouteille. Grâce à cette méthode, Sergio et Suzy réduisent l’oxydation de la bière lors de l’embouteillage et leurs bières conservent leurs notes les plus fines : céréales, miel, herbes, fruits.

N’en jetez plus… On goûte !

Chez Satoriz, trois bières Irvoy sont disponibles :

– L’Ardennes est une bière blonde d’inspiration belge. Généreusement houblonnée, elle est produite avec des levures belges qui lui donnent un fort caractère, tout en étant moins alcoolisée que les bières venues de Belgique (pas plus de 5 à 6°). Des notes fruitées, légèrement épicées, un corps généreux et une fin en bouche sèche… On la dit ronde, équilibrée, elle se boit sans soif !

– L’APA (American Pale Ale) est une bière issue du houblonnage à cru, mais pas que. Sa levure anglaise lui donne des arômes un peu tropicaux qui complètent ceux des houblons exotiques. C’est la bière qui nous emmène en voyage…

– La Hefe Weizen est brassée avec du malt de blé et des houblons allemands. Elle est fermentée avec des levures traditionnelles allemandes qui lui donnent des notes un peu épicées – clou de girofle, banane -, le tout sur un corps effervescent et acidulé !

Précision d’importance : comme la plupart des microbrasseurs, l’Irvoy vend 90% de sa production aux bars et aux restaurants, ceux-là mêmes qui ont dû fermer plusieurs semaines durant à cause de la crise du Coronavirus… Une raison de plus pour les soutenir dès maintenant !

CC