Légumineuses : du local dans le bocal !

 

Pourquoi consommer des légumineuses ? Parce qu’en plus d’être une excellente source de protéines végétales, nombre d’entre elles sont cultivées en bio localement. Écologiques, économiques et longue conservation, elles ont vraiment tout bon et méritent notre attention. Si vous les ignoriez jusqu’ici, faites donc connaissance et invitez-les dans vos assiettes ! Elles y ont leur place plusieurs fois par semaine pour diminuer la consommation de produits animaux et/ou dans le cadre d’une alimentation végétarienne ou végétalienne équilibrée.

Ce sont toutes des légumineuses : Pois chiches, pois cassés, lentilles vertes, brunes, noires, corail, jaunes, blondes, lentillons, haricots blancs, rouges, noirs, flageolets, mogette, lingots, pinto, de Soissons, azukis, mungo, soja jaune, lupin, cacahuète, petits pois, fèves, edamamé, haricots cocos, haricots mange-tout…

Pois chiches et lentilles
en direct du Dauphiné

Hier déconsidérées, les légumineuses s’imposent aujourd’hui comme incontournables pour lutter contre le réchauffement climatique. Non seulement leurs protéines végétales permettent de diminuer notre consommation de viande, mais elles présentent en outre un réel intérêt sur le plan agricole. Les légumineuses stockent le gaz carbonique et enrichissent les sols en azote, améliorant la qualité de ces derniers sans recours aux engrais. Alors la France, on s’y met ?

Oui ! Longtemps concentrées sur des provenances lointaines car moins rentables que l’élevage et les grandes productions céréalières, les cultures de légumineuses se réimplantent petit à petit dans nos régions. D’ailleurs, pour la quatrième année consécutive, vous pouvez vous approvisionner dans notre rayon vrac en lentilles vertes et pois chiches cultivés dans le Dauphiné !

Les lentilles vertes sont semées avec de l’avoine, qui leur sert de tuteur.

Merci qui ? Merci le petit noyau de producteurs bio du Nord-Isère qui planche sur le sujet, dont certains patronymes sont bien connus des lecteurs de Sat’info : Francis Surnon, Olivia Fournier, Martial Perraudin, également maraîchers et fournisseurs de longue date d’oignons et autres potimarrons…

Ici, entre Crémieu et Morestel, plusieurs d’agriculteurs se sont récemment convertis au bio et aux légumineuses à la demande des consommateurs locaux. Non sans y voir tout l’intérêt agricole des légumineuses en termes de rotation avec les céréales, d’implantation précoce avant maïs et soja, et de facilité de la culture. Une facilité toute relative néanmoins, car ces plantes rustiques sont un tantinet rebelles ! Et malheureusement, elles ne bénéficient pas des résultats des nombreuses recherches agronomiques menées sur les deux superstars, maïs et soja. Il faut donc militer pour que le monde scientifique s’y intéresse malgré leur moindre rentabilité.

La faible rentabilité, encore elle, est sans doute à l’origine d’un autre problème : le manque de semences disponibles. Cette année, Patrick Vacher ne produira ni haricots rouges ni flageolets, faute de semences suffisamment vigoureuses ! La filière, encore fragile, a du mal à suivre l’évolution de la demande. Pour le triage, elle fonctionne avec une coopérative qui met à sa disposition des machines onéreuses. Tables densimétriques et autres trieurs optiques permettront de garantir l’esthétique et la sécurité sanitaire des légumineuses. Plus question aujourd’hui de se casser une dent sur un caillou déguisé en lentille !

Restent les aléas climatiques. Cultures de terrains pauvres par excellence, les légumineuses ont pourtant souffert d’un épisode de sécheresse en mars et avril 2020, quand le soleil s’est mis à cogner en plein sur les semis en train de lever. Il a même fallu arroser un peu… À l’issue de la récolte (juillet pour les lentilles, un peu plus tard pour les pois chiches), l’objectif est d’avoir suffisamment de stock pour tenir toute l’année. Quatre hectares de pois chiches pour Francis, deux et demi pour Martial et Olivia, qui en cultivent trois autres de lentilles vertes. La quasi-totalité de leur récolte part en direction du rayon vrac de Sato… Vous avez dit veinards ?

On le redit une dernière fois : les légumineuses du Dauphiné, c’est au rayon vrac, et vrac uniquement. À vos bocaux !

Au milieu des pois chiches, l’ambroisie s’incruste !

 

la Lentille jaune
l’autre lentille corail

Vous connaissez la lentille corail, cette lentille brune décortiquée de couleur orange qui cuit en 15 minutes seulement. Mais connaissez-vous sa plus proche cousine, la lentille jaune ?

Cette dernière est une version décortiquée de la lentille verte, beaucoup plus largement cultivée en France que la lentille brune. Vous l’avez compris, Satoriz vous invite à vous tourner vers la lentille jaune et locale lorsque c’est possible, et notamment lorsque la production française de lentilles corail est épuisée. Notre fournisseur de Laromieu, village médiéval du Gers, décortique lui-même les lentilles qu’il cultive ainsi que celles d’autres producteurs bio locaux. Sur des sols aussi qualitatifs qu’hétérogènes, Oscar Coupey s’adapte constamment, notamment au moyen de rotations culturales. La lentille verte est plus facile à cultiver que la brune, très sensible aux effets climatiques et à la qualité du sol. La semer équivaut à un coup de poker, qu’Oscar limite à un petit nombre d’hectares… Cette année, un mois de mai extrêmement humide suivi d’une période trop sèche a littéralement plombé sa récolte de lentilles brunes.

Dans son atelier, Oscar passe les lentilles dans une décortiqueuse artisanale pour les débarrasser de leur cuticule et révéler un orange ou un jaune éclatants. Lentille corail et lentille jaune ont une saveur et un temps de cuisson similaires, et conviennent tout particulièrement aux personnes ayant les intestins sensibles.

Pour les trouver ? Direction le vrac !

 

Entretien avec Claudine Demay
Faciliter l’accès aux légumineuses

Le travail de Claudine Demay et de son équipe « Innovation et développement » consiste à nous simplifier la vie ! Sa mission, depuis 25 ans chez Ekibio (Priméal) : nous rendre les céréales et les légumineuses plus accessibles et nous mâcher le travail pour que nous ne laissions plus jamais les protéines végétales loin de nos assiettes.

Bonjour Claudine ! Peux-tu nous raconter ton parcours ?
Je suis ingénieure agronome, spécialisée en nutrition. Passionnée d’alimentation depuis toujours, je la considère comme le meilleur levier que chacun possède pour être en bonne santé et nourrir son lien à la terre. J’ai toujours adoré expérimenter en cuisine et j’ai eu la chance de rencontrer des personnes engagées dans l’alimentation macrobiotique à l’époque où celle-ci prenait un nouvel élan en France. J’ai appris qu’en se nourrissant de belles choses, on était soi-même beaucoup plus centré et inspiré. Aujourd’hui encore, cette réflexion autour d’une assiette équilibrée est bien vivante et s’exprime par exemple au travers des Buddha bowls ! Lorsque j’ai intégré l’entreprise Ékibio, nous étions peu nombreux et il y avait tout à faire. À l’époque, les céréales complètes étaient très longues à cuire, sans parler des légumineuses…

Comment les as-tu rendues plus accessibles ?
Le quinoa, découvert par Didier Perréol par hasard sur un salon bio, a été l’une des premières graines à demander mon attention et ma créativité… La faire connaître était primordial pour les producteurs aux côtés desquels nous étions engagés, il fallait donc la rendre très simple à cuisiner. J’ai expérimenté différents modes de cuisson, de nombreuses mises en œuvre salées ou sucrées, et parfois nous l’avons transformée en farine ou en flocons. Puis il y a eu la rencontre avec des producteurs de petit épeautre de Haute-Provence pour lesquels il était tout aussi vital – économiquement et environnementalement parlant – de faire connaître leur graine. On a alors imaginé le boulgour de petit épeautre, qui nous a permis d’acheter de plus gros volumes et de soutenir la filière.

Comment transformer sans dégrader ?
Depuis nos débuts, le monde du bio s’est considérablement développé ; nous avons aujourd’hui accès à des matières premières très variées et à des outils de production qui nous permettent d’être à la fois plus créatifs et plus vigilants sur la qualité. Précuire un grain ou un pois puis le concasser ou l’aplatir en flocons ne nuit pas à ses qualités nutritionnelles mais permet de réduire son temps de cuisson de manière considérable. C’est un procédé que l’on peut appliquer à toutes les céréales et légumineuses et qui nous permet de créer des mélanges végétariens équilibrés, digestes et colorés, en misant sur la complémentarité céréales/légumineuses. Un vrai plus pour ceux qui hésitent sur les bonnes proportions de chacune ou ne veulent pas multiplier les bocaux de graines et de haricots !

Un bon exemple : les éclats de pois chiches et de pois cassés qui cuisent en 20 minutes seulement sans trempage, contre 1h30 la plupart du temps…
En effet ! Il nous suffit de concasser des pois chiches et des pois cassés secs pour réduire leur temps de cuisson. Lorsque l’on coupe les pois chiches, leur enveloppe part automatiquement, ce qui les rend plus digestes. On peut donc les intégrer directement dans une soupe ou un plat mijoté sans avoir à les cuire à part. Ils vont conserver leur texture sans se transformer en bouillie, contrairement aux lentilles décortiquées (jaunes et corail).

Parfois, il n’est pas nécessaire de beaucoup transformer ; il suffit de dénicher la bonne variété…
C’est ce qui nous est arrivé avec le pois chiche Dési. Cette variété particulièrement résistante à l’aridité possède une enveloppe noire, très esthétique avant cuisson mais très peu après, car elle vire au gris. Avec notre coopérative de producteurs, nous avons opté pour le fait de monder, c’est-à-dire d’enlever sa peau. On découvre alors une amande jaune d’or à la saveur délicieuse. Le temps de cuisson est de fait réduit à 20-30 minutes et la digestion facilitée par l’absence de peau. Il faut découvrir et faire connaître le pois chiche Dési pour soutenir la filière naissante dans le Sud-Ouest : cela peut avoir un impact réel sur le développement des légumineuses dans cette région. Il est toujours bon de garder en tête cette question : qui nourrit-on en amont lorsque l’on choisit tel ou tel produit ?

CC