Le savon de Marseille : Produit de l’Histoire pour notre santé

 

Auréolé de l’image vintage de la propreté à l’ancienne et du doux parfum des olives de Provence, efficace et respectueux de l’environnement, le savon de Marseille est un produit qui sied autant à l’hygiène du corps qu’à l’entretien des vêtements et de la maison. C’est aussi un produit de santé qui a joué un rôle majeur dans la baisse de la mortalité en France au cours des siècles passés. Un produit incontournable donc, et d’une simplicité biblique, en apparence. En apparence seulement !

 

Histoire du savon de Marseille

A Alep, en Syrie, on fabrique depuis l’Antiquité l’un des tout premiers savons. Sa recette fait appel aux huiles locales abondantes dans la région, l’olive et le laurier, saponifiées au moyen de soude végétale extraite de salicorne.

La recette du savon d’Alep arrive à Marseille via les Croisades au XIIe siècle. Les premiers savonniers marseillais utilisent alors exclusivement de l’huile d’olive de Provence et font sécher les savons à la chaleur du Mistral. Sous Louis XIV, Colbert interdit l’utilisation d’autres huiles que celle d’olive, avec un taux minimal de 72%. Plus tard, Napoléon interdit que l’on estampille « Savon de Marseille » des produits fabriqués en-dehors de la cité phocéenne.

Ces interdits tombent un à un à partir du xixe siècle. Les huiles de palme, d’arachide, de coco et de sésame en provenance des colonies françaises sont couramment utilisées pour fabriquer le savon, notamment en période de pénurie d’olives provençales.

La savonnerie marseillaise connaît son apogée avant la Première guerre mondiale. On compte alors une centaine de savonneries dans la ville. Son déclin s’amorce avec la Guerre et s’accélère pendant les Trente Glorieuses avec l’avènement des détergents de synthèse.

 

Les dérives des temps modernes

Le savon de Marseille est un savon surgras. Cela signifie qu’il est obtenu par la saponification de matières grasses (généralement des huiles végétales) avec de la soude (le plus souvent obtenue par électrolyse d’eau salée). En revanche, l’appellation « Savon de Marseille » ne garantit pas que le savon soit fabriqué à Marseille ou dans sa région, ni que l’huile d’olive doive entrer majoritairement dans sa composition.

Très peu contraignante, la réglementation en vigueur garantit seulement un procédé de fabrication ainsi qu’une teneur minimale en acides gras de 63 %. Elle exclut certaines huiles très acides et limite (sans interdire  ) l’usage d’additifs, parfums et colorants, tout en admettant l’utilisation de suif.

Voilà pour le « Savon de Marseille » industriel, principalement produit aujourd’hui en Chine, en Malaisie ou en Turquie et majoritairement composé d’huile de palme ou de graisse animale, avec au passage quelques colorants, parfums et conservateurs de synthèse. Plus une petite goutte d’huile d’olive ajoutée après saponification, histoire de pouvoir afficher « huile d’olive » sur l’étiquette… L’image d’Epinal en a pris un léger coup !

 

Une nouvelle approche : retour à l’ancien temps !

Le renouveau du savon de Marseille est plutôt récent : depuis une vingtaine d’années, certains consommateurs éprouvent comme un besoin de naturalité, de simplicité et de respect de l’environnement… Bienvenue !

Sauf que le savon de Marseille fabriqué à Marseille avec de l’huile d’olive, loin d’être la règle, constitue désormais l’exception. Seules quatre savonneries continuent d’y fabriquer du savon comme au siècle dernier… C’est chez l’une d’elles, la Savonnerie du Midi, que Satoriz se procure le savon de Marseille vendu à la marque « La Corvette ». En 2013, ces quatre savonneries ont déposé une charte de fabrication du savon de Marseille traditionnel. Elle repose sur trois critères :

– la saponification doit se faire au chaudron
– à partir de graisses végétales uniquement, sans colorant, parfum ni adjuvant de fabrication
– à Marseille ou dans les Bouches du Rhône.

En forme de cube, de barre ou de pain, d’une couleur brun vert ou blanc beige qui varie naturellement au fil des productions, le savon est estampillé avec le nom de la savonnerie et porte la mention « 72% d’huile ».

Deux précisions s’imposent :

– L’huile d’olive de première pression à froid est un produit onéreux dont l’usage est uniquement alimentaire. Celle utilisée en savonnerie est obtenue en deuxième pression à partir des grignons d’olive, résidus de la première pression. Voilà pour la fin d’un mythe ! Celle de La Corvette n’est pas certifiée bio, l’huile biologique étant rare et très chère.

– Depuis le xixe siècle, le savon de Marseille existe sous deux formes : le vert et le beige. La Savonnerie du Midi fabrique les deux versions. Le vert contient de l’huile d’olive, tandis que le beige est majoritairement composé d’huiles de palme et de coprah. Nos grands-mères utilisaient traditionnellement le savon vert pour la toilette et le beige pour le linge. L’huile de palme utilisée pour les savons La Corvette est certifiée RSPO (huile de palme durable).

 

Une savonnerie à Marseille pour un savon exemplaire

Fondée en 1894, la Savonnerie du Midi est alors située en plein cœur de Marseille. Déménagée en 1970, elle occupe aujourd’hui les locaux d’une ancienne semoulerie où elle emploie 25 personnes.

Le Savon de Marseille Olive de La Corvette est préparé au chaudron et contient 72% d’huiles végétales, dont de l’huile d’olive (la seconde étant celle de coprah, qui permet au savon de mousser légèrement et de ne pas être trop gras).

Franck, maître-savonnier à la Savonnerie du Midi.

La fabrication commence avec l’empâtage. Les huiles et la soude sont mélangées dans un grand chaudron puis chauffées à 120 °C. La saponification démarre, transformant le chaudron en un véritable volcan que le maître savonnier ne quittera pas des yeux pendant toute la durée du processus. Une fois débarrassée de la glycérine qui se forme naturellement, la pâte est cuite de longues heures durant. C’est vraiment là que les huiles qui tachent se transforment en savon qui détache… La pâte est ensuite nettoyée à plusieurs reprises avec de l’eau salée afin d’éliminer la soude (le savon n’en contiendra plus qu’à l’état de traces, c’est ce qui permet de le qualifier d’ »extra pur »). Après une phase de repos et un rinçage à l’eau douce, c’est l’étape de séchage, indispensable pour que le savon durcisse et soit découpé en cubes, avant d’être estampillé. Mission accomplie sur 7 à 10 jours environ.

 

Le savon de Marseille est économique, 100% biodégradable et ne pollue pas l’eau. Bactéricide, non allergisant, c’est un véritable produit de santé. Dans sa version véritable, il est recommandé aux peaux atopiques et intolérantes aux savons de synthèse, désinfecte les plaies, chasse les mites… On le redécouvre aujourd’hui comme ingrédient indispensable des produits d’hygiène et d’entretien « faits maison » : nettoyant ménager, détachant, lessive naturelle, soin des animaux domestiques… Un produit indispensable pour tout et pour tous, à condition de choisir le bon.

CC