Le riz de Camargue avec Priméal

On relie automatiquement le riz à l’Asie, son berceau historique. Pourtant, il est cultivé depuis plusieurs siècles en Afrique du Nord, en Italie et en Amérique du Sud. Partout où un environnement très humide et des températures agréablement constantes lui permettent de croître, en réalité. En France, sa culture en Camargue est beaucoup plus récente : elle date de la guerre du Vietnam, avec l’arrivée de réfugiés dans cette région. Leur savoir-faire, l’influence de l’Italie toute proche et l’impulsion du plan Marshall ont permis de transformer les essais passés.

En 2014, Sat’info raconte :
Pendant de nombreux siècles, la Camargue ne fut qu’un marécage, ou presque. Certes, le riz y était très ponctuellement cultivé, sur quelques parcelles, à côté des vignes. Certes, quelques pionniers s’accommodaient de la rudesse des lieux en pratiquant l’élevage autant qu’ils braconnaient. Mais cette terre ne s’est assainie et discrètement peuplée qu’avec la maitrise physique du Rhône, par la création du delta dans un premier temps. C’est après-guerre qu’elle a définitivement acquis l’identité que nous lui connaissons aujourd’hui. En instiguant et finançant la création d’un système d’irrigation, le plan Marshall a permis la culture plus généralisée du riz. On a dessalé les terres. Tout un riche écosystème et une belle faune se sont alors installés, en lieu et place d’une marre à moustiques.
Cet écosystème est une chance, mais il constitue aussi un devoir.
Il permet la culture et l’élevage, voire l’industrie qui en découle. Mais la culture, l’élevage et l’industrie se doivent de le respecter. Un Parc Naturel de Camargue a donc vu le jour, avec ses fortes contraintes. Contraintes qui, une fois n’est pas coutume, sont perçues favorablement par tous, à commencer par les riziculteurs. Ces derniers se font un plaisir de coopérer pour le respect d’un environnement qui est leur richesse commune.

Balade en rizière

C’est dans cet environnement aussi riche que fragile que Sat’info s’est rendu dernièrement à la découverte des rizières. Des jumelles à la main, pour observer les incroyables oiseaux qui passent par la Camargue : hérons blancs, spatules, canards milouins… Mais revenons-en à nos moutons, ou plutôt à nos flamants roses. Icônes de la Camargue – à égalité avec les chevaux –, ces derniers se sont fait rares le jour de notre visite. Tant mieux pour les riziculteurs, qui redoutent de les voir s’en prendre aux jeunes pousses de riz !

Le riz se sème à la mi-mai et se récolte fin septembre, début octobre. La rizière fonctionne comme une baignoire : un bourrelet de terre tout autour permet de contenir l’eau, et un fossé périphérique sert à la vider. L’eau du Rhône irrigue les parcelles de manière finement maîtrisée : peu au début, puis de plus en plus pour accompagner la croissance de la plante. Et pour récolter, on vide la baignoire ! Les moissonneuses batteuses pourront faire leur travail lorsque le sol sera sec, deux semaines plus tard.

Un grain de riz donne jusqu’à 20 plantes. Chacune va pousser en épi, chaque épi contenant 200 grains de riz. Le riz est semé très épais de manière à recouvrir l’espace et à éviter la pousse d’autres herbes. L’épi monte jusqu’à l’épiaison (début août) puis mûrit.

Une quarantaine de riziculteurs camarguais produisent en bio, ce qui représente ¼ du riz produit dans la région. Leurs propriétés sont vastes, car beaucoup sont également éleveurs. La rotation des cultures (riz, blé dur et luzerne) empêche le développement des mauvaises herbes et favorise la pluriactivité, par ailleurs plus rentable. Depuis 2015, des partenariats avec des entreprises valorisant le blé dur ont permis de nouvelles conversions en bio. Une véritable filière « Sud blé dur bio » s’est mise en place en parallèle de celle du riz bio de Camargue.
Ces partenariats sont bien plus qu’un simple commerce. En valorisant les productions, ils pérennisent l’activité agricole. En fédérant les agriculteurs, ils les aident à se former et à s’équiper. C’est le message que fait passer la photo du producteur sur le sachet de riz : il se passe quelque chose de l’ordre de l’humain ici !

L’éclate en rizerie

Une fois récolté, le riz est usiné au fur et à mesure. Nous nous rendons au Mas-de-la-ville pour visiter Biosud, industrie de stockage et de transformation du riz depuis 1955, bio depuis 1990. On appelle cela une rizerie, et les personnes qui y travaillent des riziers (et des rizières, donc ? Personne ne sait !). Les riziers ont pour mission de transformer le riz paddy en riz prêt à consommer, du blanc au complet. Pour cela, ils utilisent des machines plus vintages et efficaces les unes que les autres !

Lorsque le riz arrive, il est humide et plein de paille, d’herbe, de terre… Pas vraiment un cadeau. Il est d’abord stocké dans des colonnes de séchage, où il est ventilé à l’air chaud pendant plusieurs semaines. Pour ne pas briser le grain, le séchage doit être doux et progressif. Il s’agit ensuite de débarrasser le riz de son enveloppe. On le passe pour cela des tables densimétriques, où le riz et la paille sont séparés. Puis on polit le grain en le passant sur des meules : deux passages pour obtenir un riz demi-complet, quatre pour un riz blanc. Ensuite, une formidable machine trie le riz par couleur et met de côté le riz vert, impropre à la consommation. Pour finir, on stocke le riz au frais. Ouf. Le voilà prêt à être acheminé et cuisiné !

Un exemple de valorisation : la fabrication des galettes de riz

Biosud fabrique sur place des galettes de riz soufflé. À voir au moins une fois dans sa vie ! Les céréales sont d’abord mélangées avec une pincée de sel, puis elles sont expédiées par une trémie dans la galetteuse. L’antique machine soumet le riz à une très forte température et à une très forte pression afin de l’assécher et de l’éclater en quelques instants : cela s’appelle l’extrusion. Elle recrache 250 galettes par minute, directement emballées. Impressionnant !

CC