Le point sur le Petit Epeautre de Haute Provence

PEHP

Le petit épeautre est aussi appelé « Engrain ». Comme le blé khorasan, il est originaire du croissant fertile, où il était déjà cultivé il y a dix mille ans, au tout début de l’agriculture. Mais contrairement au khorasan, il s’agit d’une variété originelle, non hybridée, et ce n’est pas un blé. Au fil des siècles, le petit épeautre s’est répandu autour du bassin méditerranéen, dans les régions montagneuses et sèches. Autant dire qu’il s’est trouvé à l’aise en Haute-Provence où il est resté, sans avoir été délogé par une autre variété que les Romains ont imposée partout ailleurs, le blé, celui que chacun connaît, « blé tendre » pour les spécialistes.

petit-epeautreFaut dire qu’il est bon, ce petit épeautre de Haute-Provence ! Clea, qui le cuisine régulièrement, vous donne ses meilleures recettes sur ce lien. Il est bon, mais il se mérite… C’est un produit de terroir, rare, aux rendements faibles, au décorticage long et délicat. Autant d’éléments qui ont poussé Etienne Mabille à travailler la question. Aussi s’est-il employé à optimiser sa culture, à inventer une machine capable de le décortiquer et tout en contribuant à faire connaître cette belle graine en la faisant accéder à un statut particulier, celui d’une Indication Géographique Protégée (IGP), qui souligne sa différence. Car le petit épeautre de Haute-Provence n’est pas n’importe quel petit épeautre, tous ceux qui ont l’habitude d’en faire du pain le savent bien.

mission-peDepuis, notre engrain s’est donc fait connaître. Il est désormais largement apprécié pour son goût, mais aussi pour sa digestibilité. Car s’il contient bien du gluten, beaucoup d’intolérants s’accordent à dire qu’ils le consomment sans problème. Une donnée qui n’est certainement pas étrangère au récent succès du petit épeautre de Haute-Provence. Conséquence, il s’en produit plus. Sur la région de l’appellation, le nombre d’agriculteurs qui le cultivent est rapidement passé de 30 à 60, une très bonne nouvelle pour l’économie locale, mais aussi pour le type d’agriculture qu’on y pratique. Le petit épeautre sollicite en effet tellement les sols qu’il les épuise, d’où la nécessité des rotations de cultures étudiées : après une année de petit épeautre se succéderont pois chiches, luzerne, sorgo, lentilles, etc… Soit une diversité qui conforte l’agriculture de montagne dans ce qu’elle peut avoir de meilleur. Un argument que ne manque pas de rappeler Etienne, lui qui pousse si loin la volonté de faire bien en tous domaines.

epi-petit-epSur les engrais par exemple. Etienne et son fils Denis  – qui s’apprête à reprendre la ferme avec enthousiasme –  se sont fixé comme objectif le « zéro engrais ». Non pas qu’ils en abusent, seules quelques préparations à base d’arêtes de poissons ou de plumes étant utilisées jusqu’à présent. Mais la logique bio recèle d’innombrables ressources, voyez plutôt : la balle du petit épeautre est récupérée, et permet largement de chauffer la maison ; puis les cendres qui résultent de la combustion sont recueillies et appliquées sur les terres, pour leur apporter le phosphore dont elles pourraient manquer… notamment pour la culture du petit épeautre. C’est-y pas beau ? Beau, et surprenant ! Dans la même logique de valorisation, Etienne est en train de mettre au point un panneau isolant à base de balle d’épeautre. Les premiers essais sont concluants, et tous les tests prévention incendie ont été passés avec succès.

Au-delà de la culture et du travail sur le petit épeautre, c’est un bien bel exemple de gestion des ressources, d’autonomie et de diversité qui nous est donné là. Le tout associé à un vrai sens du collectif qui donne toute son ampleur à la démarche. Tout ce que chacun aurait envie d’encourager. Tout ce qu’est le véritable métier de cultivateur en montagne, belle combinaison entre l’héritage de siècles de pratique et le fruit quotidien de l’expérimentation, de l’observation, de l’inventivité.  Pourtant, Etienne et sa compagne Irène sont confrontés à des difficultés dont ils se passeraient bien. Irène élève des moutons, et aimerait pouvoir continuer à le faire dans le même esprit que tout ce qui est mené sur la ferme. Mais on les oblige à soumettre leurs bêtes à un marquage électronique dont ils ne veulent pas, comme de très nombreux autres éleveurs. Et ils ne céderont pas. Voici pourquoi.

haute-provence

JM