L’avoine, 3è partie : Du flocon à l’éprouvette : interview de Judicaël Joandel

Au petit jeu des apports nutritionnels, l’avoine fait figure de première de la classe. C’est la céréale du « plus » et du « mieux » : la plus complète, la plus riche en fibres, en protéines, en lipides, vitamines, minéraux, oligoéléments… Question protéines, l’avoine contient 7 des 9 acides aminés essentiels, ceux que l’on ne trouve en totalité que dans la viande et les produits animaux. En guise de comparaison, le blé en contient un seul… et seulement 2 grammes de lipides, contre 7 pour l’avoine, championne des acides gras polyinsaturés.

Depuis qu’on la connait un peu, c’est-à-dire depuis que les médecins se sont penchés sur son berceau, on dit qu’elle est idéale pour procurer de l’énergie physique aux sportifs et de l’énergie intellectuelle aux étudiants, qu’elle contribue à lutter contre le surpoids, le stress, la constipation, l’insomnie… Apaisante, diurétique, laxative, émolliente, tonique, drainante… On en dit, des choses. Certaines sont vérifiables et vérifiées, d’autres non. Quoi qu’il en soit, les fabricants n’ont pas forcément le droit de les mentionner sur leurs emballages, l’allégation nutritionnelle étant un sport aux règles bien encadrées et aux arbitres fort attentifs.

On plaisante un peu, mais l’enjeu est énorme : les dossiers de demande d’allégation s’accumulent sur le bureau de l’autorité européenne en charge de la question. Très peu aboutissent et nombre sont retoqués. Or, là encore, c’est l’avoine qui gagne au tournant : trois allégations nutritionnelles lui ont récemment été accordées. L’enjeu, colossal, s’articule autour de sa richesse en fibres, les bêta-glucanes. Pour en avoir un bel éclairage, je suis allée interroger Judicaël Joandel, responsable R&D et filières chez Celnat.

 

Interview : Judicaël Joandel

judicael-joandelOn sait que les fibres sont bienfaitrices dans notre alimentation, notamment sur le transit intestinal. Mais pourquoi en parle-t-on autant ?

Les fibres alimentaires sont de grandes alliées de notre santé. Non digérées, elles régulent les fonctions digestives, dont le transit, et constituent une excellente nourriture pour la flore intestinale. Les effets bénéfiques des fibres sont exploités depuis longtemps dans les régimes alimentaires traditionnels. La nuance aujourd’hui, c’est que la recherche scientifique a suffisamment avancé pour valider leurs bienfaits. Et quand la science et la tradition se rencontrent, c’est l’idéal ! Les aliments peuvent désormais afficher leurs bénéfices jusque sur leurs emballages.

Ces « allégations nutritionnelles et de santé » sur les emballages sont extrêmement contrôlées…

Effectivement, parce qu’elles renseignent sur le fait qu’un aliment possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques. Elles sont donc contrôlées par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments). Pour qu’une allégation soit autorisée, son dossier passe par un méticuleux processus d’évaluation scientifique qui nécessite que la substance/l’ingrédient soit bien caractérisé(e), que l’effet bénéfique ait été observé chez l’homme et que le mécanisme d’action soit connu. Une démarche rigoureuse, parfois poussée à l’excès et très restrictive… Au point que nombre d’aliments et d’usages traditionnels ne peuvent plus être valorisés !

A ce titre, l’avoine fait office de première de la classe, puisque trois bienfaits lui ont été reconnus par les autorités !

Nutritionnellement parlant, l’avoine est la céréale la plus riche en énergie, protéines, acides gras essentiels et micronutriments. Mais son intérêt principal, c’est la qualité et la quantité de ses fibres, les fameuses bêta-glucanes. Il s’agit de fibres solubles qui absorbent plus de vingt fois leur poids en eau, formant ainsi un mucilage qui a un effet viscosant, rassasiant. Elles exercent une action extrêmement bénéfique sur le système intestinal car elles fixent sur leur surface les molécules de cholestérol et d’acide biliaire pour les évacuer. D’où la première des trois allégations autorisées : « contribue au maintien d’une cholestérolémie normale » (à raison de 3 g de bêta-glucanes d’avoine par jour).

On imagine des effets évidents sur le transit intestinal…

D’où la deuxième allégation : « les fibres d’avoine contribuent à augmenter le volume des selles ». Derrière cette mention, un brin nébuleuse, ce sont bien les effets ballast (transit) et prébiotique (stimulation de la croissance de la flore intestinale) qui sont reconnus. Le mucilage que les fibres d’avoine contribuent à former dans les intestins protège leurs parois et permet aux bactéries d’interagir et de se multiplier. On savait l’avoine régulatrice sur le plan intestinal, en voilà une belle preuve ! A noter qu’à ce jour, cependant, l’allégation visant une augmentation de la satiété n’a pas reçu le feu vert des autorités, qui estiment que le niveau de preuve fournie n’est pas suffisant…

dessin-efsaQu’en est-il de la troisième allégation ?

« Consommées au cours d’un repas, les bêta-glucanes d’avoine contribuent à atténuer la hausse de la glycémie après ce repas ». Sous cette phrase se cache le fameux indice glycémique (IG), qui permet de classer les aliments en fonction de l’élévation de la glycémie qu’ils entrainent quand on les consomme. En clair, un IG élevé correspond à une hausse puis à une baisse rapide du taux de sucre dans le sang, entrainant une sensation de faim. L’IG de l’avoine est assez bas (40 pour les flocons, 60 en porridge) et il évolue en fonction du mode de préparation (notamment le temps de cuisson) et des aliments consommés concomitamment. La question de l’IG est complexe, il est difficile d’en faire une vérité absolue…

Voilà pour l’IG, maintenant je demande le gluten ! On lit tout et son contraire au sujet de l’avoine… Alors, avec ou sans gluten ?

En réalité, ce n’est pas de « gluten » dont il faudrait parler (le terme crée une confusion avec le réseau visqueux formé au cours du pétrissage d’une pâte) mais d’acides aminés, et principalement de « gliadine ». C’est cet acide aminé qui provoque les intolérances. L’avoine ne contient pas de gliadine, en revanche elle contient de l’avénine, une molécule proche en structure mais généralement bien tolérée par les personnes dites intolérantes au gluten. L’avénine présente également l’avantage d’être un tranquillisant du système nerveux, avec des effets similaires à la passiflore. C’est grâce à elle que l’on dit l’avoine favorable au sommeil.

Les fameuses bêta-glucanes jouent-elles un rôle dans cette tolérance relative de l’avoine par les personnes sensibles au blé ?

Je parlerais volontiers d’effet matrice : l’effet mucilage formé par les fibres de l’avoine se poursuit dans le tube digestif, ce qui permet de ralentir la découpe des nutriments et donc leur assimilation. Tout se fait en douceur…

On trouve aujourd’hui sur le marché des flocons d’avoine certifiés sans gluten. Comment est-ce possible ?

Il s’agit d’avoines importées, probablement cultivées sur des étendues très vastes et éloignées d’autres cultures à gluten. En France et en bio, à ma connaissance, il n’est pas possible d’avoir cette certification car la contamination en céréales à gluten est un risque à tous les niveaux sur les exploitations agricoles, des semences au matériel… Aussi, malgré nos efforts pour trier et nettoyer les grains d’avoine, nous ne pouvons garantir l’absence totale de trace de gluten. Nos flocons d’avoines ne sont donc pas sans gluten mais « à faible teneur en gluten ».

Tout notre dossier sur l’avoine :

(1) Il l’aime, je l’aime : un peu, beaucoup…
(2) L’avoine, nous l’aimons ? Redécouvrons-la !
L’avoine sous toutes ses formes

CC