L’avoine, 2è partie : Nous l’aimons ? Redécouvrons-la !

Graine du Nord

Historiquement, l’avoine, moins ancienne que le blé, est une plante graminée originaire d’Asie mineure cultivée depuis l’âge de bronze en Europe centrale et du Nord. Elle y constituait la base de l’alimentation des classes sociales défavorisées, sous forme de bouillie ou de purée. Détrônée par la pomme de terre, l’avoine est ensuite largement tombée en désuétude en dehors de quelques pays nordiques et du Royaume-Uni, où elle était par ailleurs l’objet de railleries de bon aloi…

rugbyC’est un peu comme dans les matchs de rugby, en toute courtoisie.
Dictionnaire anglais, 1755 : « Avoine : céréale que les Écossais consomment, mais que les Anglais ne donnent qu’à leurs chevaux ».
Réplique écossaise :  » Voilà pourquoi l’Angleterre a de si bons chevaux, et l’Écosse, des hommes aussi admirables ! »

Admirables, cela va sans dire. Mais il fallut attendre la moitié du xxe siècle pour que l’avoine soit totalement réhabilitée, d’abord par les pédiatres – qui constatèrent ses bienfaits sur la croissance et la santé des nourrissons -, puis par le célèbre Docteur Bircher-Benner, qui popularisa le concept de müesli. Signifiant « mélange », le terme désignait au départ le « bircher müesli », mélange de flocons d’avoine crus avec des laitages et des fruits, servi au petit-déjeuner.

Aujourd’hui, l’avoine est largement cultivée dans le monde et la vague du müesli a conquis les foules, y compris la nôtre, et surtout en bio. Notons qu’en dehors de celle destinée au bétail, l’avoine française est essentiellement cultivée en bio et très peu en conventionnel.

 

Voyage en terres d’avoine

Nous voici à Arc-sur-Tille, en Bourgogne, à quelques kilomètres de Dijon. Les cultivateurs d’avoine française sont majoritairement situés au nord de la Loire, car l’avena sativa se plait dans les climats septentrionaux. L’une des rares céréales dont les grains ne sont pas regroupés en épis mais suspendus à de fins pédoncules, elle fait partie des « grains de lumière », comme la tomate et le blé, qui n’ont besoin que de très peu de lumière pour germer. Céréale rustique, à la culture peu contraignante mais climatiquement exigeante, elle apprécie des températures fraîches et des précipitations abondantes au printemps, limitées en été… Un dicton, une fois de plus, pour résumer parfaitement les choses : « Quand le foin est pourri, l’avoine sourit !« .

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Début juillet, lors de notre visite sur l’exploitation de Nicolas Bellet, le ciel est bleu et le soleil caresse doucement les brins d’avoine, à peine bercés par le vent. En partenariat avec Celnat depuis de nombreuses années, Nicolas a sélectionné une variété de printemps, adaptée à ses terres et à ses méthodes de travail. Habituellement jugée moins noble que d’autres céréales et de fait positionnée en second lors des rotations culturales, au même rang que la luzerne, l’avoine est chez lui en tête de rotation. En bonne culture rustique qui fait respirer le sol, peu gourmande en azote, elle ne nécessite presque pas de désherbage et ne subit que de rares maladies.

Les mains dans les poches, l’avoine ? Tout de même pas ! C’est le suspense annuel pour notre cultivateur : il y a eu très peu d’eau pendant la période de croissance de la plante mais beaucoup trop à celle des moissons, l’avoine sera-t-elle belle, sans défauts, taches ou irrégularités ? La réponse, le 20 juillet à l’heure de la récolte, est tout à fait satisfaisante compte-tenu des aléas climatiques.

 

avoine2Du grain au flocon

En provenance directe des producteurs après récolte et au fur et à mesure des besoins, l’avoine est stockée dans les silos exclusivement bio de Celnat, sur les hauts plateaux du Velay, où le climat frais et sec est idéal pour une bonne conservation.
Encore loin de me figurer toute la complexité de la chose, je me suis rendue chez Celnat au printemps dernier afin de visiter l’usine à flocons flambant neuve. Ambiance blouse de rigueur et « attention, peinture fraîche » ! Sachant qu’il existe sur le marché des petites machines permettant de fabriquer ses flocons chez soi en deux tours de manivelle, je suis très loin de me douter que le floconnage nécessite un tel équipement. Or, on est ici dans le top du flocon bio, à l’échelle industrielle. Un silo et un moulin de 6 étages et 33 mètres de haut se dressent fièrement sur une colline située à quelques virages du Puy-en-Velay. Dedans, un équipement extraordinairement complexe, pensé et calibré… au grain près. Impressionnée ? C’est peu dire !

Le silo et le moulin

Le silo est un bâtiment de stockage destiné à réceptionner, prénettoyer et stocker les grains. Il est relié par une passerelle au moulin, sans pâles-qui-tournent ni meunier-qui-dort. Le tout se répartit sur sept niveaux divisés en trois colonnes, chacune dédiée à un ensemble de tâches distinctes : nettoyage, décorticage, floconnage. Les grains vont circuler d’étage en étage, de haut en bas et de bas en haut, passant dans de multiples machines aussi solides que puissantes, réglées avec soin, pour ressortir transformés en gruau, en boulgour ou en flocons dûment ensachés. A chaque étape, des échantillonnages sont prélevés et des contrôles qualité effectués.
Les matériaux (inox, acier, béton) sont sains et solides. Tout l’air circulant dans l’usine est filtré, tempéré et pressurisé de manière à empêcher les impuretés d’en franchir le seuil… A travers le moulin, les grains circulent dans un dédale de tuyaux via un système d’air pulsé, d’élévateurs, de pneumatiques et de boîtes de chute ralentissant leur course. Tout est piloté à distance par des automates… et des hommes, qui règlent les machines, veillent au bon fonctionnement du système et lancent les ordres de fabrication par ordinateur. L’usine ronronne et tourne presque à plein régime, traitant 2 tonnes de produit à la fois. On ressort de là… tout floconné !

Nettoyer

Le nettoyage des grains intervient avant, pendant et après décorticage et floconnage. Plusieurs machines garantissent l’élimination de la moindre anomalie : tamis, aimants (pour les éléments métalliques), tarares (avec une circulation d’air permettant l’évacuation des poussières), épierreur (qui repère les cailloux au poids), trieur alvéolaire… Poids, forme, calibre, couleur : tout est bon pour séparer le bon grain de l’indésirable. Autant dire qu’à l’arrivée, nos flocons contiennent de l’avoine, et uniquement de l’avoine. On constate en passant que les sachets de flocons Celnat ne renferment pas d’impuretés ni de brisures, et on comprend mieux pourquoi depuis que l’on sait l’investissement que ce résultat nécessite…

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Décortiquer

La plus belle illustration du degré d’exigence de Celnat, la voici : l’entreprise n’achète que de l’avoine « vêtue » – sans chemise ni pantalon, mais avec son enveloppe, appelée glumelle. A contrario, il a été développé – par sélection génétique – des avoines dépourvues d’enveloppe appelées « avoines nues ». Leur utilisation le plus d’investissement et de savoir-faire : le décorticage. Indéniable gain de temps et d’argent, mais… non protégée par son enveloppe, la graine d’avoine s’oxyde, se tache et se contamine plus facilement, perdant au passage une grande partie de ses qualités sanitaires, gustatives et nutritionnelles. Inimaginable chez Celnat !
L’écorce de l’avoine, si elle n’est pas assimilable par l’homme, est appropriée au bétail. Les écorces éliminées au décorticage sont donc valorisées chez un fabricant d’aliments bio tout proche… Rien ne se perd.
Mais puisque décortiquer il faut, décortiquons donc ! La tâche s’effectue en fonction des besoins, afin de préserver la qualité de la matière première. C’est à cette étape que l’on trouve les machines les plus amusantes et les plus complexes. Mobilisant la force centrifuge, une décortiqueuse projette les grains entiers dont l’écorce se détache de l’amande à la percussion. Sur une table densimétrique, les grains se mettent à danser pendant que la machine les trie par densité – les plus légers d’un côté, les plus lourds de l’autre. Plusieurs trieurs alvéolaires éliminent les grains cassés. Véritable révolution technologique, un trieur optique équipé de caméras détecte le moindre défaut : point noir, grain mal décortiqué et renvoyé à la case départ… L’avoine fait ainsi de nombreux va-et-vient entre les machines de décorticage et de nettoyage. La mécanique de l’ensemble, encore plus complexe qu’il n’y parait, repose sur des réglages d’une précision extrême.

Floconner

Une fois décortiqués, les grains sont coupés (c’est le gruautage) puis de nouveau triés avant l’étape du floconnage. Celle-ci démarre avec l’humidification puis la cuisson des flocons à la vapeur douce (maximum 100 °C). Elle s’effectue dans une colonne non hermétique – donc sans pression – pouvant accueillir jusqu’à 3 tonnes de produit sur deux étages. Le grain circule sans cesse dans la colonne pour garantir une cuisson optimale. Après cuisson, les gruaux passent dans le floconneur, constitué de deux gros cylindres. Ils sont ensuite séchés, refroidis et une fois de plus triés et nettoyés avant d’être ensachés.

Tout notre dossier sur l’avoine :

(1) Il l’aime, je l’aime : un peu, beaucoup…
(3) Du flocon à l’éprouvette
L’avoine sous toutes ses formes

CC