Escurette, cure-oreille à vie !

Peut-être que nous ne reviendrons pas sur la question la plus importante ici (« Mais comment diable en est-on arrivé là ? »), car nous allons concentrer nos efforts sur la réponse apportée par une toute petite entreprise française située à Liffré, non loin de Rennes.

La problématique est encore et toujours celle du plastique. La directive européenne autour du plastique à usage unique interdit définitivement fourchettes, pailles, assiettes, touillettes et autres coton-tiges en plastique à compter de début 2021. Damned, c’est qu’il va falloir sacrément se creuser la tête ! Par quoi donc remplacer une fourchette en plastique…? Réflexion intense (bruit de crâne que l’on gratte). Ah si, je sais ! Quand je ne sais pas, je dois toujours me demander comment ma grand-mère aurait fait. Bingo : elle emportait ses propres couverts et les lavait après usage ! Et la pauvre n’avait même pas de lave-vaisselle… C’est noté, en 2021, nous allons donc réhabiliter les couverts lavables (ouf !). Et au passage, arrêter le sucre pour ne pas avoir à touiller notre café (#bonnesresolutions). Mais les coton-tiges alors ? La réflexion s’intensifie (bruit de crâne que l’on gratte, pellicules qui tombent sur l’accoudoir du canapé…).

Mais diable, comment en est-on arrivé là ?! Dans les tombes égyptiennes, on a pourtant retrouvé des cure-oreilles en bronze et en os divers et variés. Au Moyen-Âge, aucun seigneur ne se serait séparé de son petit sautoir en métal comprenant un cure-dent, un cure-ongle et un cure-oreille. L’histoire ne dit pas comment l’on se curait le nez, mais toujours est-il que se curer était une affaire d’importance, et ces trois ustensiles garantis à vie. Dans les années 1920-1930, celles des boudoirs et du vanity, le cure-oreille en inox faisait partie intégrante de la trousse de toilette*. Dans les années 1950, ça se gâte : on lui colle un manche en plastique… Mais c’est dans les années 1970 que tout fout le camp, avec l’invention du coton-tige jetable, simple bâtonnet de plastique lesté de deux haltères ouatées que l’on jette à la poubelle après usage. Unique, donc.

Certaines générations n’ont connu que cela. D’autres ont fort heureusement gardé quelques souvenirs et une forme de sagesse tirée de leur petite enfance… Briac et Sylvie sont de ceux-là ! La cinquantaine venue, ces deux ex-gérants d’une épicerie bio en milieu rural voient passer la fameuse directive européenne et se souviennent du bon vieux cure-oreille en inox, celui de leur jeunesse, le même (ou presque) que celui de Toutankhamon et de Godefroy de Montmirail, qui n’a jamais vu l’ombre d’une poubelle. Ils le comparent aux initiatives qui voient le jour en cette fin de décennie 2010 : cure-oreille chinois en bambou ou en plastique, coton-tige en silicone… C’est vrai ça, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Derechef, Briac et Sylvie décident de reprendre la méthode historique en fabriquant un cure-oreille porteur de leurs propres valeurs : proximité et rencontres.

Direction la forêt de Brocéliande, terre de légendes. Briac et Sylvie y font la rencontre de Jérémy, tourneur d’art, qui passe ses journées à sculpter des pièces de bois d’une précision extraordinaire. Ils lui confient la fabrication des manches et des capuchons de ce qu’ils nomment l’ »escurette », petit nom de l’ustensile à l’époque moyenâgeuse.

Jérémy tourne les manches en bois de charme et un atelier normand façonne la partie métallique en inox européen de qualité médicale. À mi-chemin, Sylvie et Briac assemblent les deux, aidés de leur fils et de leur nièce. Voilà, vous savez tout !

Ah si, un dernier détail… Non seulement l’Escurette est plus écolo que le coton-tige, mais il est aussi beaucoup moins dangereux. Le coton-tige est en effet responsable de nombreuses blessures du conduit auditif et du tympan. En poussant le cérumen à l’intérieur de l’oreille, il provoque des bouchons et détériore la mécanique sensible de l’oreille… C’est dire s’il était grand temps de s’en débarrasser !

Pour utiliser l’Escurette, il suffit de savoir manier un crayon. On le présente à l’entrée de l’oreille et délicatement, on tourne. L’excès de cérumen se loge dans l’outil, que l’on rince à l’eau. À moins de le perdre, on le garde toute la vie. Un par famille suffit. Nous voici fièrement munis de notre nouvel accessoire d’hygiène moderne et responsable. Celui de grand-maman, en mieux, donc. Drôle d’époque !

CC