Douce de France…

 

A qui reprocher cet amalgame qui confond la désignation de deux espèces aussi différentes que la patate douce et la pomme de terre ? A nos amis américains, qui sont allés piquer à ce tubercule d’Amérique Centrale son joli nom de « batata » pour remplacer celui de notre pomme de terre, en faire une « potato » ! Qu’on le sache donc, une patate est toujours douce, sans qu’on le rappelle. Pour purée et raclette, on pèle des… pommes de terre. Aaaah mais !

Des points communs, il y en a cependant deux. Ce sont des racines tubéreuses, des tubercules : ni fruits ni légumes, juste des féculents, concentrés de glucides, donc d’énergie. Au-delà de ce partage, aucune accointance entre elles, ni de loin, ni de près. A la différence de la pomme de terre, la patate douce ne concentre pas toutes ses vertus sous sa tige puisque son abondant feuillage est comestible, paré de vertus spécifiques. Enfin, pour parfaire le tableau, elle donne, si on la laisse aboutir, de très belles fleurs, comme celles de ses cousins le liseron et la belle-de-jour.

La patate douce a déjà un vécu sur nos bancs, membre permanent de l’assortiment, malgré son caractère encore exotique pour beaucoup. Elle remplit les bons cabas en parité avec choux, carottes, poireaux, courges et pomme de terre, sans venir concurrencer cette dernière tant ses usages sont variés et différents.

Aujourd’hui nous la connaissons :
– sous sa forme classique, peau violacée et pulpe orangée, plus ou moins pâle.
– blanche, de cœur et d’épiderme, elle forme des tubercules plus fins et tortueux.
– violette vive, dedans comme dehors, bourrée d’anthocyanes, ces pigments naturels qui colorent également mûres et myrtilles.
– Murasaki, à la robe violette cachant une chair pâle, quasi blanche avec une saveur finale de noisette.

Variétés Beauregard, Dark Purple, Murasaki et O’Henry

 

Il va sans dire que cet échantillon est loin de représenter la diversité de l’espèce qui se décline en des dizaines de variétés sur les zones tropicales. Notre gamme est issue de variétés adaptées et possiblement cultivables dans les terroirs européens, moins favorables.

Notre source d’approvisionnement principale est espagnole, car ce tubercule dit doux a aussi besoin de douceur pour s’épanouir, voire de chaleur. La production espagnole couvre aujourd’hui presque la totalité de nos besoins annuels : les stocks d’une récolte d’automne s’épuisent au cours de l’été suivant, la nouvelle arrive à la suite.

Depuis deux ans, nous vous proposons en début de saison une interruption de près de deux mois sur l’origine ibérique. En effet, de nombreux maraîchers français se sont intéressés à cette culture et sont maintenant prêts à prendre le relais sur une durée conséquente (2 mois environ).

Nous sommes allés rencontrer David Girard à Bellegarde dans le Gard, maraîcher expérimenté dans bon nombre de domaines, encore débutant sur cette culture. Expérience précieuse lrsqu’il s’agit de salades ou de melons : pour la patate douce, il faut s’essayer, observer, et tâcher d’améliorer, de saison en saison. Même s’il n’a pas encore entrepris les démarches de certification, David applique progressivement les règles de la méthode biodynamique pour mener à terme ses cultures, c’est le cas avec la patate douce. Cette plante dont on repique en mai des boutures (et pas des tubercules comme la pomme de terre) est très peu exigeante : un sol humifère, de l’humidité sans trop, et de la chaleur. Cela lui suffira pour donner, comme chez David, un bon kilo de tubercules par pied.

Première et principale difficulté rencontrée, la grande irrégularité de croissance des tubercules sous la tige ! A l’ouverture du sillon, on trouve de tout : d’énormes bulbes dépassant parfois les deux kilos côtoyant de grosses carottes biscornues… Le calibre idéal, entre 300 et 600 grammes, est loin d’être majoritaire. David modère pourtant ses interventions, s’abstenant d’irriguer par exemple. Mais rien n’y fait, pour le moment, ça part dans toutes les tailles. Le choix variétal disponible en bio ne lui propose qu’une variété à ce jour, la Beauregard, semble-t-il adaptée au terroir, mais ayant cette particularité « anarchique ». Pour un bilan économique satisfaisant, il est donc nécessaire de trouver un débouché à ces grosses pièces, difficilement présentables sur un marché de détail. Ce peut être celui de la transformation (soupes, chips, restauration collective, etc.) avec bien sûr une valorisation bien inférieure. Et ce pourra être également votre magasin Satoriz, qui essaiera de vous proposer ces tubercules plus gros, qui n’ont que le « défaut » de leur taille, voire même des qualités telles qu’un épluchage et une mise en œuvre facilitées. Peu de risques d’oxydation de la tranche en cas de découpe, celle-ci ayant tendance à sécher et à former un cal protecteur. Ceux d’entre vous qui feront ce choix bénéficieront, cela va sans dire, d’un tarif très avantageux.

Mais revenons à la récolte de nos racines. Celle-ci est difficilement mécanisable du fait de la fragilité des tubercules. Il faut d’abord découvrir le rang de son abondant feuillage (qui, très riche en nutriments, pourrait servir à nourrir du bétail) à la serpe : la patate douce se casse très facilement en deux sur un choc mécanique. Chez David, le savoir-tout-faire de son père a permis de bricoler un outil spécifique à deux socs, pour ouvrir le rang sans maltraiter la récolte. Il n’y a alors plus qu’à remplir les pallox, direction la salle de calibrage.

Paradoxalement, une fois découverte, la patate douce ne craint plus grand-chose et peut rester quelque temps dans le champ sans voir sa qualité s’altérer. Cueillie dans de bonnes conditions (par temps sec), elle tiendra très longtemps à température ambiante.

Maintenant que vous la connaissez un peu mieux, reste à la mettre sur votre table. Notre spécialiste, Clea, vous offre un peu plus loin de nouvelles idées pour la préparer.

La patate douce, pas qu’un kif passager, une vraie tendance de fond !

Alain Poulet