Ce qu’il est bon que vous sachiez sur nos pommes… et poires

D’accord, vous croyez tout connaître sur ces fruits si communs, mais… gageons qu’un petit rappel de quelques fondamentaux ne fera de mal à personne. Le chroniqueur ne se prendra ni pour un « croqueur de pommes® » (bien qu’il en croque, et pas qu’une par jour), ni pour un arboriculteur, surtout pas pour un botaniste, juste pour un gars qui les fréquente (les pommes) depuis… longtemps.

Allez, on commence fort, pour les plus déconnectés d’entre nous : dans nos contrées, les pommes et poires sont TOUTES cueillies d’août à novembre, fourchette large en vigueur durant les années « normales », celles qui se font rares de nos jours. Cette évidence pour parer aux remarques entendues au printemps, du genre : « Hum hum, elles sont pas très fraîches, vos pommes ! ». Il faut dire qu’à la différence des agrumes, la proximité entre cueillette et consommation n’est pas un critère qualitatif pour ces fruits à pépins. Mieux, les amateurs préfèrent souvent les variétés qui ont pris le temps de se bonifier, sagement rangées dans leurs pallox.

De fait, chaque variété a son heure pour se présenter au couteau, dans ses plus beaux habits. Et comme la nature et les hommes sont capables de prouesses quand ils collaborent, il y a matière à se régaler d’août à juillet, en variant saveurs et textures. C’est vrai que, ne jurant que par elle, vous aimeriez trouver votre pomme préférée en permanence. Cette inclination a été bien captée par certains gros opérateurs qui ont produit des variétés « universelles », souvent très marketées et bien sûr parées de toutes les qualités, dont celle de la disponibilité permanente. Quel dommage cependant de passer à côté des plaisirs de la diversité et de la découverte, comme chez Satoriz par exemple !

Les premières pommes font une arrivée timide sur nos bancs en août, ce sont des fruits provenant des terroirs du sud de la France (le Sud commence à Loriol, pour nous). Souvent de petit calibre, juteuses et de texture croquante sous la dent, le sucre y est discret et l’acidité de la jeunesse bien présente : citons les plus connues que sont Akane, Elstar, Reine des reinettes, Royal Gala (cette célèbre variété restera présente beaucoup plus longtemps) ou encore Pirouette. L’heure est alors toujours aux fruits à noyaux et aux raisins, mais ce retour, après le petit break estival, est attendu.. N’oublions pas les poires d’été avec l’emblématique Guyot, petite « poirette », verte et dure lorsqu’elle apparaît mais surprenante sous la dent. Une de ses vertus, et non des moindres, est sa faible propension à blettir, danger qui guette les excellentes mais fragiles Williams qui vont prendre la suite. Ces variétés peuvent nous accompagner un certain temps, selon la récolte ou les moyens mis en œuvre par nos partenaires.

Passé l’été, fin septembre début octobre, nous accueillons quelques vedettes intemporelles, dont la Golden, qui a retrouvé, en bio particulièrement, le rang qui est le sien, un des plus hauts. Par ses qualités de tenue, son sucre et ses arômes, elle va nous suivre très longtemps en saison, sans jamais devenir une tête d’affiche cependant. La Golden est la pomme de celles et ceux qui fuient l’acidité, caractéristique dont elle est quasiment dépourvue. Tout pour qu’elle devienne, par sa saveur très sucrée et sa texture moelleuse, une favorite des enfants. Si les premières mûrissent dans le Vaucluse, une grande partie de notre offre est savoyarde, terroir qui lui convient très bien et lui donne parfois, grâce aux matins frais, une belle joue rose.

Nous restons en Savoie pour vous parler d’un vestige, rarement proposé ailleurs que chez des producteurs, alors qu’elle fut emblématique de la Haute-Combe de Savoie. Tout le monde a reconnu la Reinette blanche du Canada, cette bonne petite vieille d’une autre époque, habillée sans recherche aucune, mais ô combien savoureuse. Il ne faudra guère compter en profiter au-delà du mois de décembre car sa pulpe jusque-là agréablement farineuse le deviendra beaucoup trop avec le temps. Une saveur d’hier, que nous avons encore la chance de dénicher chez un petit arboriculteur près d’Albertville. C’est sa cousine, la Reinette grise du Canada, qui prendra aussitôt le relais. Elle en a presque toutes les qualités, ainsi que l’avantage certain de laisser filer les semaines sans s’altérer du tout. Cette Reinette-là excelle en pâtisserie où seule la rare Belle de Boskoop peut rivaliser.

Lorsque que débute le plein automne, soit mi-octobre, les choix se font entre des robes : jaune (la Golden), grise (la Canada), ou tricolores jaune/orangée/rouge qui se succèdent au rythme des semaines avec l’imperturbable Gala, les Reinette d’Anjou et d’Angleterre, la Pinova, parfois la Crimson Crips ou la Daliclass, toutes issues de terroirs divers allant des bords de Loire jusqu’à ceux de la Drôme, sans oublier la montagne, bien entendu. Il manque à notre panel, pour qu’il soit complet dans toutes les palettes, une pomme verte, bien que mûre. Voici donc la Granny Smith, fruit vénéré des anglo-saxons qui sont plus à l’aise que nous avec l’acidité native de cette pomme juteuse et croquante. Il faut bien avouer qu’elle arrive bonne dernière de toute la gamme dans vos choix, même si elle est maintenant très prisée des utilisateurs d’extracteurs de jus.

Pour ce qui est des poires, la Guyot a disparu pour laisser place à la Président Héron, plus complexe par ses arômes, à la Comice voire la petite Louise Bonne, mais surtout à la reine incontestée de la famille, la longue Conférence. Cette variété, une fois prête (et c’est très important), possède de nombreuses qualités et de rares défauts : du jus à foison, du sucre et des arômes et, avec sa peau épaisse, une bonne protection contre les manipulations diverses.

Anciennes ou récentes, toutes ces singularités ont été obtenues par un lent travail de sélection, toujours orienté vers une particularité gustative, même si aujourd’hui plus qu’hier des critères de résistance aux différents fléaux ne sont pas négligés.

Vient alors le moment difficile du choix : l’idéal est de ne pas le faire, et de tout goûter, sans considération de nom, de couleur ou de terroir, toutes informations subjectives qui viennent perturber le jugement de vos sens, seul arbitre loyal. Sinon, pour trancher, n’hésitez pas à vous faire aider en magasin !

Pour évoquer la suite de cette longue saison, je vous donne rendez-vous dans le prochain Sat’info. En attendant et comme nos intentions sont pures, vous pouvez, malgré l’expérience d’Eve, vous laisser tenter !

Alain Poulet